jeudi 18 juillet 2013

NUTRITION ET FEMME ENCEINTE





Généralités

Prise de poids

Le gain pondéral maternel comprend le développement des produits de conception (foetus, placenta et liquide amniotique) et l'adaptation de l'organisme maternel à la grossesse (augmentation de la volémie, développement utérin et mammaire, stockage de graisses). Selon les recommandations de l'Académie américaine de médecine publiées en 1990, réactualisées en 2008, le gain pondéral optimal dépend de l'indice de masse corporelle (IMC) calculé avant grossesse (m/kg2). Il doit permettre la naissance d'un enfant en bonne santé, entre 3,1 et 3,6 kg, éviter un surpoids maternel après la grossesse et réduire le risque de maladies chroniques pour l'enfant.




Plus l'IMC avant grossesse est élevé, plus le gain pondéral doit être modéré : 12,5 kg à 18 kg en cas d'IMC inférieur à 19,8 kg/m2 ; 11,5 kg à 16 kg si l'IMC est supérieur à 19,8 kg/m2 et inférieur à 26 kg/m2 ; 7 kg à 11,5 kg si l'IMC est supérieur à 26 kg/m2 et inférieur à 29 kg/m2 et au moins 6 kg si l'IMC est supérieur à 29 kg/m2. D'autres paramètres entrent en jeu. Ainsi, une grossesse gémellaire doit s'accompagner d'une prise de 16 kg à 20,5 kg. 
Ces recommandations, validées par de nombreuses études, sont toutefois à nuancer. 
Ainsi, les jeunes femmes noires devaient, dans ces recommandations, viser la limite supérieure du gain pondéral (par exemple 18 kg en cas d'IMC inférieur à 19,8 kg/m2) mais une étude plus récente, en rassemblant les données néonatales pour 850 adolescentes afro-américaines, suggère qu'en cas de prise de poids plus modérée, les risques pour l'enfant sont plus faibles. 
Une étude prospective a également démontré que les enfants dont les mères avaient une prise de poids correspondant aux recommandations de 1990, avaient plus tendance à être en surcharge pondérale . 
Une attention particulière doit donc être portée aux femmes à gain pondéral excessif. Une étude rétrospective portant sur 20 463 naissances à terme de femmes non diabétiques montre que 43 % des femmes ont une prise de poids supérieure aux recommandations. Or, ces femmes sont plus à risque d'hypoglycémie néonatale, de macrosomie, d'Apgar bas et de convulsions néonatales dans les premières heures de vie. À plus long terme, une étude de cohorte suédoise sur 15 ans associe gain pondéral excessif et obésité chronique, surtout si la prise de poids persiste 12 mois après l'accouchement. 
L'âge maternel est une autre variable à prendre en considération. 
Une adolescente a tendance à réduire son alimentation pendant une grossesse, ce qui peut provoquer une cassure de sa propre courbure de croissance. Une étude longitudinale portant sur 464 jeunes brésiliennes montre ainsi que deux grossesses ou plus pendant l'adolescence réduisent la taille finale et augmentent le poids maternel à long terme. 
Pour les femmes de 35 ans ou plus, la plus forte incidence de grossesses multiples spontanées et liées à l'aide médicale à la procréation doit également être une incitation à ne pas réduire ses apports, surtout aux 2e et 3e trimestre de grossesse. 


En France, le Programme national nutrition santé (PNNS) simplifie le message et recommande une prise de 12 kg pendant la grossesse, correspondant traditionnellement à 1 kg/mois pendant les 6 premiers mois et 2 kg/mois pendant les 3 derniers mois. 




Besoins énergétiques 


Le PNNS recommande une alimentation variée qui fournit aux femmes enceintes les nutriments nécessaires à la grossesse sans entraîner de prise de poids excessive. Selon le guide de nutrition publié par l'Institut de médecine américain en 2006, les besoins énergétiques de la femme enceinte au 1ertrimestre de grossesse ne sont pas supérieurs à ceux des autres femmes. Des apports quotidiens supplémentaires sont prévus de 340 kcal pour le 2e trimestre et de 452 kcal pour le 3e trimestre. 
Alors que la plupart des femmes enceintes ont besoin de 2 200 à 2 900 kcal/j, certains facteurs peuvent faire varier cette demande. Le nombre de foetus et l'IMC avant la grossesse sont à prendre en compte. Alors qu'une femme obèse attendant des jumeaux a besoin de 3 000 kcal/j, une femme en sous-poids attendant des jumeaux a besoin de 4 000 kcal/j. 
Ces besoins énergétiques varient aussi en fonction de l'âge, de l'activité physique et des antécédents médicaux de la patiente. 



Exercice pendant la grossesse


Grâce à une activité physique légère, les femmes enceintes peuvent diminuer leur risque de diabète gestationnel de 50 % et de prééclampsie de 40 %. Néanmoins, une évaluation médicale de la femme enceinte et du déroulement de sa grossesse sont un prélude à toute activité physique. 
Les risques potentiels de chaque sport ou activité physique doivent être évalués. La pratique de la plongée en bouteille ou de sports à fort risque de traumatisme abdominal est formellement contre-indiquée. 
Le PNNS , établi en 2006, conseille 30 minutes d'activité physique modérée type marche rapide (6 à 7 km/h) par jour pour les femmes enceintes. L'activité peut être fractionnée par périodes de 10 minutes minimum et ne doit pas être remplacée par une séance hebdomadaire unique de 3 heures 30. En cas d'activité régulière légère (marche lente), l'activité doit être supérieure à 30 minutes. En cas d'activité physique soutenue (course à pied), l'activité peut être écourtée. 
Besoins alimentaires 
Lipides 

La Commission européenne  a établi des recommandations sur la consommation de lipides pendant la grossesse après avoir développé des programmes de recherche sur le métabolisme lipidique périnatal  et la nutrition précoce mais aussi en s'entourant des sociétés européennes de médecine périnatale, nutrition et métabolisme, et de gastroentérologie pédiatrique. 
Ses conclusions sont les suivantes. 
• La proportion de lipides dans l'alimentation de la femme enceinte et de la femme allaitante ne doit pas être différente de celle de la population générale.
• Les acides gras à longue chaîne polyinsaturés de la série n-3 (appelés « omégas 3 ») et l'acide arachidonique doivent être déposés en quantité suffisante dans le cerveau et les autres tissus foetaux pendant la vie foetale et postnatale précoce. Plusieurs études ont démontré une association entre la consommation, pendant la grossesse et l'allaitement, d'acides gras polyinsaturés à longue chaîne provenant de l'huile ou de poissons gras et le développement visuel et cognitif des enfants. L'apport quotidien en acides gras polyinsaturés est métabolisé en acide docosahexaénoïque (DHA) pour agir sur les différents tissus foetaux. Consommés à forte dose (1 g/j de DHA ou 2,7 g/j d'acides gras polyinsaturés de la série n-3), ils ne semblent pas nocifs et leurs effets bénéfiques apparaissent dès que leur quantité quotidienne dépasse 200 mg dans l'alimentation.
• Les femmes en âge de procréer peuvent atteindre ces taux de DHA en consommant des poissons de mer une à deux fois par semaine, incluant des poissons gras qui sont de bonnes sources d'acides gras polyinsaturés de la série n-3. Une large gamme d'espèces de poissons est possible ; néanmoins, les grands prédateurs tels que l'espadon ou le requin contiennent des taux élevés de méthyle de mercure qui s'avèrent particulièrement toxiques pour la croissance foetale et le développement cérébral.
• La consommation d'un autre précurseur, l'acide ⍺-linoléique, est beaucoup moins efficace pour la fixation du DHA sur le cerveau foetal.
• En cas d'apport suffisant en acide linoléique, aucune preuve ne soutient une supplémentation systématique par acide arachidonique.
• Plusieurs études suggèrent que la consommation de poissons, de poissons gras et d'acides gras à longue chaîne polyinsaturés de la série n-3 entraîne une grossesse plus longue, un poids de naissance légèrement supérieur et un taux de prématurité plus faible bien que la signification de ces résultats ne soit pas encore comprise.
• Un dépistage des carences en lipides devrait être réalisé, de préférence au 1ertrimestre, afin que les patientes concernées puissent bénéficier de conseils personnalisés. 

Glucides

Les glucides sont une importante source d'énergie, de vitamines, de minéraux et de fibres. L'Académie américaine de diabétologie recommande que 45 % à 65 % des calories soient issues des glucides. Une consommation minimale de 130 g/j est recommandée pour les femmes non enceintes contre 175 g/j pour les femmes enceintes. Cette augmentation de la consommation est nécessaire au développement et au fonctionnement du cerveau foetal. 
La grossesse constitue en effet une situation physiologique originale au cours de laquelle le métabolisme glucidique est profondément et progressivement modifié : l'hyperinsulinisme des deux premiers trimestres permet la constitution de réserves énergétiques maternelles (tissu adipeux). Au cours du 3etrimestre apparaît une insulinorésistance des tissus maternels insulinodépendants (rôle de l'hormone lactogène placentaire) qui favorise la croissance foetale. La diminution du seuil rénal du glucose explique la glycosurie fréquemment constatée. 
Une éventuelle inadaptation à ces besoins nouveaux entraîne une détérioration de l'équilibre glycémique. Une hyperglycémie maternelle et donc foetale (diffusion transplacentaire facilitée) apparaît et est à l'origine, en partie au moins, de la macrosomie foetale. 
La glycémie à jeun est abaissée chez la femme enceinte entre 0,80 et 0,90 g/l. Les modifications physiologiques du métabolisme glucidique expliquent la mauvaise résistance au jeûne : d'où les phénomènes hypoglycémiques et l'augmentation des corps cétoniques, maximaux en fin de grossesse, qui auraient un effet délétère sur la fonction cérébrale de l'enfant. Le tissu adipeux accumulé en début de grossesse est alors mobilisé : les acides gras, le glycérol et les corps cétoniques sont franchement élevés et fournissent à la mère l'énergie dont elle a besoin. Le glucose, lui, est épargné grâce à l'insulinorésistance périphérique de la mère au profit des tissus foetaux. Le foetus reçoit ainsi préférentiellement le glucose qu'il est incapable de produire car il ne possède pas les enzymes nécessaires à la néoglucogenèse. 
Une carence prolongée en glucides entraîne un catabolisme protéique maternel au détriment de leur rôle plastique : chez les individus dénutris, la première urgence est l'apport de glucides pour protéger ces protéines. 
Une glycémie élevée, surtout en période postprandiale peut, au contraire, être délétère pour le foetus . Or les glucides sont les principaux nutriments qui font varier la glycémie postprandiale. Plus encore que la quantité totale de glucides, c'est le type de glucides ingéré qui fait varier la glycémie postprandiale. 
En choisissant d'autres types de glucides, on pourrait contrôler la glycémie postprandiale tout en conservant un apport calorique glucidique suffisant. Les aliments source de glucides sont classés en fonction de leur indice glycémique. Un fort indice supérieur à 70 (pommes de terre, nouilles, dattes, bière, boissons au cola) signifie que l'aliment est fortement pourvoyeur d'hyperglycémie. Un faible indice inférieur à 55 (haricots, spaghettis, yogourts, pêches, pommes, oranges, ou jus de fruits frais, etc.) signifie que l'aliment est faiblement pourvoyeur d'hyperglycémie. Les aliments à faible indice glycémique sont à l'origine d'une élévation glycémique postprandiale significativement plus faible. Une méta-analyse des études utilisant des régimes à base d'aliments à faible indice glycémique chez des patientes non enceintes rapporte une diminution de l'hémoglobine glyquée (HBA1c) de 0,4 %, correspondant à une diminution de la glycémie supérieure à 1 g/l en moyenne. 
L'indice glycémique des aliments n'est pas modifié pendant la grossesse. En utilisant un régime à base d'aliments à faible indice glycémique, on diminue le poids de naissance des enfants de femmes non diabétiques. Actuellement, aucune étude n'a été réalisée chez les femmes enceintes avec diabète gestationnel mais une meilleure connaissance des indices glycémiques pourrait réduire les complications obstétricales et néonatales. 
Les régimes riches en fibres sont aussi connus pour diminuer la glycémie des patientes non enceintes . Toutefois, la seule étude comparant, en cas de diabète gestationnel, régimes riches et pauvres en fibres, n'a pas montré de diminution de la glycémie postprandiale associée à un régime riche en fibres. 



Protéines et acides aminés


Au cours de la grossesse, des adaptations du métabolisme protéique permettent d'anticiper les besoins de la mère et du foetus . 
Une baisse du taux plasmatique d'acides ⍺-aminés, une diminution de la synthèse d'urée, une diminution de la transamination des acides aminés à chaîne ramifiée et un renouvellement constant de protéines de poids spécifiques sont décrits pendant la grossesse ; autant de changements permettant le maintien des réserves d'azote et une augmentation de la synthèse protéique. 
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé les besoins protéiques de la femme enceinte à 925 g, ce qui correspond à un gain de 1,2 g/j au 1er trimestre, 6,1 g/j au 2etrimestre et 10,7 g/j au 3e trimestre nécessaire au développement des tissus maternofoetaux et au fonctionnement de l'organisme maternel, soumis à une prise de poids de 13,8 kg en moyenne. 
Cet apport de protéines doit se faire exclusivement par l'alimentation. Les compléments alimentaires hyperprotidiques pourraient, en effet, augmenter la mortalité néonatale (si la part de l'énergie apportée par les protéines est supérieure à 34 %).



Grossesse et malnutrition 


Le gain pondéral pendant la grossesse est corrélé avec la croissance foetale et des études observationnelles ont montré qu'un régime hyperprotidique pouvait augmenter le gain pondéral et la croissance foetale en cas de dénutrition . 
La librairie Cochrane pour la grossesse et la petite enfance ne retient ainsi que deux facteurs influençant le poids de naissance : un apport protéique suffisant et des suppléments énergétiques maternels. Les 14 essais de supplémentation, réalisés pour des femmes dénutries, ont permis un gain pondéral modeste, une augmentation du poids de naissance modérée mais significative et une augmentation non significative de la taille de naissance et du périmètre crânien. Au total, il y avait 32 % de diminution de retard de croissance intra-utérin, une augmentation du gain pondéral hebdomadaire de 21 g et une augmentation du poids de naissance de 32 g. 
Dans un essai récent en Gambie, des biscuits apportant 1 017 kcal et 22 g de protéines furent donnés à des femmes enceintes à partir de 22 à 24 semaines de grossesse. D'importantes améliorations du poids de naissance furent notées aussi bien en saison sèche (+136 g pour le poids de naissance et une réduction de petit poids de naissance de 39 %) qu'en saison des pluies (+201 g pour le poids de naissance et une réduction de 42 % des petits poids de naissance). 
Les bénéfices de la supplémentation sont constants chez les femmes dénutries et les meilleurs résultats néonatals sont obtenus pour les femmes à plus grande consommation protéique (100 g/j). 
Les résultats semblent plus contrastés dans les pays développés. Ainsi, à New York, une supplémentation hyperprotidique (470 kcal et 40 g/j de protéines) chez des femmes enceintes n'est pas associée à une augmentation significative du poids foetal. 
Finalement, l'augmentation des petits poids de naissance associée à la supplémentation hyperprotidique dans deux essais impliquant 1 076 patientes nous incite à ne pas proposer ce régime en l'absence de malnutrition. 



Besoins protéiques en cas de grossesse gémellaire


On peut supposer que les femmes devant soutenir la croissance de deux foetus ont besoin de plus de protéines que les femmes n'attendant qu'un enfant. Cette hypothèse est confirmée par les données du Dispensaire diététique de Montréal qui, en augmentant les apports protéiques des femmes attendant des jumeaux, améliore le devenir de ces enfants, diminue les petits poids de naissance de 25 % (p < 0,05) et les très petits poids de naissance de 50 %. Cette intervention nutritionnelle réduit aussi les accouchements prématurés de 30 %. Les objectifs étaient un apport supplémentaire de 50 g de protéines à partir de la 20e semaine et de 1 000 kcal, le double nécessaire à une grossesse simple. Malheureusement, cette étude ne mesure pas la quantité de protéines (ou d'énergie) consommée de base par les femmes enceintes attendant des jumeaux.



Besoins protéiques de la femme enceinte en période de croissance 


Les risques de fausse couche, de prématurité et de petit poids de naissance sont particulièrement importants pour les adolescentes qui continuent à grandir au moment de la conception. Le rôle de la nutrition maternelle dans le développement de ces grossesses à risque a été particulièrement étudié chez la brebis. La croissance simultanée de la mère et de l'enfant pourrait inciter à augmenter les apports protéiques. Pourtant, dans ce modèle animal, en cas de grossesse unique, l'augmentation des apports nutritionnels permet un maintien de la croissance maternelle mais au prix d'une mauvaise croissance foetoplacentaire et d'un accouchement plus précoce que pour les brebis du même âge. 
Pour la jeune femme qui n'a pas fini sa croissance, le problème est tout aussi complexe ; une compétition s'installant entre la croissance foetale et la croissance maternelle. 
Le Dispensaire diététique de Montréal a étudié l'effet d'une supplémentation protéique sur 1 203 patientes adolescentes comparées à 1 203 patientes contrôles (non supplémentées). Un apport quotidien additionnel de 96 g a significativement augmenté le poids de naissance moyen et réduit les petits poids de naissance de 39 % (p < 0,001). 
Les résultats obtenus par le dispensaire s'expliquent par une excellente estimation des besoins additionnels de l'adolescente. En effet, en estimant ces besoins, grâce à la balance azotée, à 1,5 g/kg de poids maternel et par jour chez des patientes entre 15 et 19 ans, on estime qu'une femme pesant 55 kg en début de grossesse devrait consommer 101 g/j de protéines à terme ; ce qui est très proche des 96 g apportés systématiquement aux patientes de Montréal. 
En conclusion, pour la patiente enceinte au moment de l'adolescence, des besoins protéiques supplémentaires sont nécessaires. Un apport insuffisant pourrait freiner la croissance maternelle alors que des apports trop importants pourraient provoquer des retards de croissance intra-utérins. L'apport protéique complémentaire pour ces patientes est estimé aujourd'hui à environ 100 g/j.



Besoins en vitamines  


De nombreux travaux montrent une diminution du statut vitaminique au cours de la grossesse. Les déficits peuvent être aggravés par la prise d'alcool (vitamine B1) ou d'aliments riches en tanin ou en phytates, qui perturbent l'absorption des micronutriments et des vitamines, ainsi que par une alimentation déséquilibrée : régime végétarien (B12), végétalien (B12 et D). L'effet de certains médicaments tels que les antifolates ne doit jamais être oublié. Les besoins en vitamines B1, B2, B6, B12 et surtout B9 (folates) sont augmentés au cours de la grossesse. La vitamine K doit être prescrite systématiquement en fin de grossesse (20 mg/j) chez toute patiente gestante utilisant des médicaments anticonvulsivants. Le rôle de la vitamine E est moins connu. 
Le passage transplacentaire se fait sur des modalités propres à chaque vitamine et implique une simple diffusion et/ou un processus actif. 



Vitamine B9 


La carence en folates a été impliquée dans la survenue de maladies du tube neural comme le prouvent de nombreux travaux expérimentaux et épidémiologiques. 
Cette vitamine impliquée dans le métabolisme des unités monocarbonées intervient en particulier dans la synthèse des acides nucléiques. Ses besoins sont augmentés au cours de la grossesse, les déficits d'apports sont fréquents : 23 % selon Hercberg . Il convient d'apprécier les situations à risque de déficit qui justifient une supplémentation de 400 μg : antécédents de contraception estroprogestative, adolescentes, gémellité, multiparité, femmes dénutries, usage du tabac, de l'alcool. En outre, certains traitements pouvant être prescrits au cours de la grossesse interfèrent avec le métabolisme des folates (antibiotiques, antipaludéens, anticonvulsivants, etc.). 
Une prévention des anomalies de fermeture du tube neural a été proposée par une supplémentation en folates dès la période périconceptionnelle puisque la malformation survient au cours du 1er mois de la gestation. Celle-ci a fait ses preuves dans les zones à risque élevé d'anomalies de fermeture du tube neural ou pour prévenir une éventuelle récidive (dose de 400 μg/j à 5 mg selon les auteurs) . Il semble que cette supplémentation puisse s'appliquer à la population générale à faible risque avec un apport de 400 μg. C'est ce que recommande une directive ministérielle d'août 2000. Cette supplémentation doit être systématique lors de la prise de certains traitements comme la dépakine. Quatre études randomisées ont récemment prouvé que cette dose était suffisante pour diminuer très significativement le risque d'anomalies de fermeture du tube neural (odd ratio [OR] = 0,28). En revanche, l'enrichissement systématique des céréales en vitamines du groupe B tel qu'il est pratiqué aux États-Unis s'est avéré décevant dans cette prévention alors qu'il diminue le taux d'homocystéine, suggérant un rôle bénéfique dans la prévention des maladies cardiovasculaires. 
Finalement, les dernières recommandations publiées par le ministère de la Santé sont en faveur d'un enrichissement en folates des produits de consommation courante. Elles préconisent, pour toute grossesse, une supplémentation de 400 μg/j 2 mois avant la conception et jusqu'à 8 semaines de grossesse. En cas d'antécédent d'anomalie de fermeture du tube neural, la dose recommandée est de 5 mg/j au moins 2 mois avant la conception et jusqu'à 8 semaines de grossesse. 



Vitamine A 


La vitamine A regroupe les dérivés bêta-ionones (autres que les caroténoïdes) qui possèdent une activité biologique comparable à celle du rétinol. Il existe de nombreux dérivés du rétinol (aldéhydes, acides), essentiellement présents sous forme d'esters d'acides gras. Le terme provitamine A s'applique aux carotènes, qui ont une activité biologique voisine. Impliqué dans les mécanismes de la vision, le rétinol est surtout un important modulateur de l'expression des gènes, par l'intermédiaire de sites de reconnaissance situés dans les régions promotrices, les retinol responsive elements. Cette particularité explique son rôle dans la différenciation des cellules normales, et même tumorales. Absorbés à près de 80 % de la dose ingérée, le rétinol est l'objet, dans le plasma et dans les cellules, d'un transport spécifique par des retinol binding proteins(RBP). Son principal site de stockage est l'hépatocyte. La mesure de la concentration plasmatique du rétinol, influencée par de nombreux facteurs, ne reflète pas l'état des réserves. Seule la mesure de sa concentration dans le foie renseignerait de façon fiable, mais est impraticable pour d'évidentes raisons. En France, la consommation moyenne des femmes enceintes serait de l'ordre de 1 000 μg/j d'équivalents rétinol (ou 3 333 UI), proche des recommandations. Les concentrations foetales plasmatiques et surtout hépatiques demeurent assez constantes, quel que soit le statut vitaminique de la mère. Des apports insuffisants ne se traduiraient donc par aucune conséquence foetale ou néonatale particulière. 
L'administration d'une supplémentation systématique de vitamine A aux femmes enceintes ne se justifie donc pas dans notre pays. Le bénéfice que l'on pourrait en attendre n'est ni défini, ni mesuré. Inversement, l'hypervitaminose A serait tératogène et une toxicité foetale a été signalée pour des posologies relativement faibles (≥ 10 000 UI/j) lors de la prise au 1er trimestre. Le β-carotène, précurseur de la vitamine A, sans effet tératogène, devrait lui être préféré. 



Vitamine D 


La vitamine D, et surtout la 25 OH-D, sont l'objet d'un transfert transplacentaire actif. Il existe une étroite corrélation entre la concentration plasmatique de 25 OH-D de la mère et celle du cordon. À l'inverse du calcium et du phosphore, les concentrations de 25 OH-D sont plus élevées chez la mère que chez le foetus, surtout lorsque les taux maternels sont normaux ou élevés. Les concentrations du foetus se rapprochent de celles de la mère lorsque les taux maternels de 25 OH-D s'abaissent. En revanche, il n'y a pas de corrélation entre les concentrations de 1,25 OH-D du sang maternel et celles du cordon, le composé trihydroxylé ne franchissant pas, ou mal, la barrière placentaire. La régulation de sa synthèse est donc propre à l'unité foetoplacentaire. Chez l'adulte, les taux circulants de 25 OH-D sont insuffisants, particulièrement en hiver dans les pays qui n'assurent pas une large supplémentation des laits et des laitages, ce qui est le cas en France. Les femmes enceintes présentent donc un déficit en vitamine D en fin de grossesse, surtout quand celle-ci se situe en hiver ou au début du printemps, même dans des villes aussi ensoleillées que Marseille ou Nice. Il existe d'ailleurs une relation entre ce mauvais statut vitaminique et la fréquence des accidents d'hypocalcémie néonatale tardive, et même précoce. La fréquence encore excessive du rachitisme carentiel, en particulier dans ses formes précoces, semble également à rattacher, au moins en partie, au mauvais statut vitaminique D initial. Enfin, les femmes les plus carencées peuvent développer, durant la grossesse, une ostéomalacie symptomatique, dont on ignore encore le rôle dans l'apparition d'une ostéoporose postménopausique. Il est donc indispensable d'assurer aux femmes enceintes le meilleur statut vitaminique D possible, particulièrement au cours du 3e trimestre et pendant les mois en « r » mais aussi aux patientes qui, craignant l'apparition d'un masque de grossesse, évitent toute exposition au soleil. Même si l'ensoleillement joue un rôle essentiel, les conditions éminemment variables de vie, de climat, de latitude et de pollution atmosphérique interdisent de compter sur la seule exposition aux ultraviolets solaires. Les apports recommandés ont été fixés à 10 μg/j (400 UI/j), ce qui semble suffisant même dans des pays à faible ensoleillement. Toutefois, cette dose n'est pas suffisante si la supplémentation n'est pas entreprise dès le début de la grossesse. Lorsqu'elle n'est faite qu'au 3e trimestre, 1 000 UI/j sont alors nécessaires pour obtenir des concentrations de 25 OH-D dans les limites de la normale chez la mère et dans le sang du cordon. Les mêmes résultats peuvent être obtenus par une dose unique de 200 000 UI administrée au début du 7e mois, mais il faut exclure les doses de charge plus élevées, en raison de leur toxicité potentielle. Cette supplémentation a permis de réduire la fréquence des hypocalcémies néonatales de 5,1 à 1,9 %, la différence étant encore plus marquée au cours de l'hiver où la fréquence chute de 7,7 % à 2,4 %. 
En conclusion, des situations à risque de carence en vitamine D ont été définies : 
• faible ensoleillement (accouchements prévus entre mars et juin, ethnies portant des vêtements couvrants) ;
• besoins accrus (adolescence, grossesse multiple) ;
• réserves insuffisantes (grossesses rapprochées, régimes alimentaires). 
Alors que les recommandations de la Haute Autorité en santé (HAS) ne concernaient que ces femmes à risques, le PNNS préconise pour l'ensemble des grossesses : 
• une incitation à la consommation d'aliments riches en vitamine D ;
• et, plutôt, une dose unique de 80 000 UI à 100 000 UI de vitamine D2 ou D3 au 6e-7emois ;
• ou, à défaut, 400 UI/j pendant toute la grossesse ou 1 000 UI/j au 3e trimestre. 

Besoins en fer 

Le contenu en fer du foetus de 20 semaines est inférieur à 30 mg, mais atteint 270 mg chez le nouveau-né à terme. Ainsi la vitesse de déposition du fer devrait être dix fois plus élevée (2 mg/j) pendant la seconde que pendant la première moitié de la grossesse pour faire face aux besoins foetaux. Cependant, ces besoins ne représentent qu'une fraction (30 %) de la quantité de fer nécessaire pendant la grossesse. On estime que le placenta en contient de 30 mg à 175 mg , que l'augmentation de la masse globulaire maternelle nécessite 200 mg à 600 mg et que les pertes sanguines maternelles au moment de la naissance représentent 100 mg à 250 mg, aboutissant ainsi à un besoin total de 1 000 mg. Toutefois, si l'on considère que la réduction de la masse globulaire après la naissance recycle du fer vers les réserves maternelles, le besoin total se réduit à 850 mg, pour l'essentiel au cours des deuxième et troisième trimestres. En supposant que les réserves maternelles soient constantes, l'absorption du fer devrait donc augmenter de 0,8 mg/j pendant les premières semaines à 10-12 mg/j pendant les dernières semaines de gestation. Dans l'alimentation de type occidental, la viande, le poisson, les céréales et les fruits en représentent les principales sources. Si le fer héminique (40 % du fer contenu dans les tissus animaux) est relativement bien absorbé (25 %), l'absorption du fer d'origine végétale ne dépasse pas 5 %. Le coefficient d'absorption moyen pour un régime varié est donc de 10 % à 15 %. Compte tenu des apports alimentaires, qui ne représentent que 10 à 15 mg/j en France, on pourrait considérer que l'ensemble des femmes enceintes est exposé au risque de carence martiale puisque les apports nécessaires sont de 20 mg puis de 30 mg au 3e trimestre. Ce serait méconnaître l'importante augmentation des capacités de l'absorption intestinale du fer qui se manifeste au cours de la grossesse. Elle concerne aussi bien le fer héminique que le fer minéral. 
La plupart des études montrent que la quantité de fer absorbée, rapportée à la quantité ingérée, est beaucoup plus élevée à 36 qu'à 12 semaines, une adaptation métabolique qui est indépendante de toute anémie. Bien que l'augmentation de l'absorption induite par la grossesse soit maintenant parfaitement établie, quelques incertitudes demeurent sur son amplitude. Les diverses estimations montrent un accroissement d'un facteur de 3 à 10 par rapport à l'absorption mesurée chez des femmes non carencées, qui ne sont pas enceintes ni n'allaitent. Cette dispersion, qui pourrait être liée à la biodisponibilité du fer consommé, conduit à des conclusions opposées. Les calculs basés sur les valeurs les plus élevées suggèrent qu'une alimentation adéquate suffirait amplement à couvrir l'ensemble des besoins de la grossesse, alors que ceux qui utilisent les plus faibles impliquent qu'une part plus ou moins importante de ces besoins devrait provenir des réserves maternelles. Les données les plus récentes indiquent que la couverture des besoins peut être acquise à des niveaux d'apports tout à fait comparables à ceux observés dans la population française, à la seule condition que la ration alimentaire soit suffisante (> 2 000 kcal) et variée, sans exclusion des aliments d'origine animale. En outre, l'absorption du fer non héminique est modulée par des facteurs alimentaires comme les polyphénols et les polyphytates qui la diminuent ou les protéines animales et la vitamine C qui l'augmentent.



Statut nutritionnel et besoins en fer de la femme enceinte 


Le faible niveau de réserves en fer chez la femme en âge de procréer (inférieur à 150 mg chez un tiers d'entre elles), essentiellement dû à la non-compensation des pertes menstruelles (40 mg), ne permet pas de faire face à l'augmentation considérable des besoins, soit environ 1 000 mg, mais si l'on tient compte de la récupération de la masse érythrocytaire après l'accouchement, c'est en fait à 560 mg que l'on peut chiffrer les besoins véritables, besoins considérablement augmentés en cas de métrorragies et de grossesses multiples. 
Une alimentation correctement équilibrée devrait, au cours d'une grossesse normale chez une femme non carencée au départ, pouvoir faire face aux besoins. Malheureusement, la couverture minimale de besoins (20 mg/j) n'est pas assurée par une alimentation hypocalorique ou peu riche en viande et a fortiori de type végétarien et surtout végétalien. La biodisponibilité du fer présent dans la ration est de 10 %.



Causes de la carence en fer et ses conséquences



Fréquence de l'anémie 

Apparemment fréquente au cours de la grossesse, elle ne relève d'une carence martiale que dans 10 % à 20 % des cas si l'on tient compte de la définition des Centers for Disease Control (CDC) (hémoglobine < 11 g/dl, hématocrite < 32 %). Pour Hercberg , les taux d'« anémies » sont encore plus faibles : 1,5 % au 1er trimestre, 9 % au 3e trimestre chez les femmes françaises. L'hémodilution progressive (le volume plasmatique augmente plus rapidement que la masse érythrocytaire) explique la plupart du temps la baisse de l'hémoglobine aux alentours de 11 g/dl et se traduit par un hématocrite inférieur à 32 %. Il faut confronter ces résultats au volume globulaire moyen, diminué en cas de carence martiale. Le dépistage de l'anémie par une numération globulaire est rendu obligatoire au 6e mois de grossesse depuis le décret du 14 février 1992. On dépiste ainsi 30 % des patientes qualifiées d'anémiques mais à une date trop tardive car l'hémodilution est déjà manifeste. Remarquons que l'augmentation du volume sanguin et du débit cardiaque permet, grâce à une quantité d'hémoglobine circulante supérieure, de conserver un transport d'oxygène correct même avec une hémoglobine à 10,5 g/dl . En cas d'anémie sévère (hémoglobine < 8 g/dl) on observe une hypoxie maternelle et foetale. 



Notion de réserve 

Elle est importante à formuler  ; 16 % à 20 % des femmes ont une ferritine sérique inférieure à 12 μg/l (correspondant à des réserves de 120 mg de fer) au début de la grossesse et 67 % au 9e mois, fragilisant la femme en cas de spoliation sanguine importante (métrorragies, hémorragies de la délivrance) : il faut bien dissocier cette notion de réserves de celle d'anémie véritable retrouvée bien plus rarement, pouvant retentir sur l'état général de la mère (hémoglobine < 7 g/dl). 
On peut ainsi cerner une population à risque (femmes anémiques avant la grossesse, grossesses rapprochées, métrorragies au cours de la grossesse).



Retentissement sur le foetus et le nouveau-né 

L'effet de la carence martiale en début de grossesse sur son issue est mieux étayé. Les risques d'accouchement prématuré et de naissance d'enfants de faible poids sont respectivement 2,5 et 3 fois plus élevés chez les femmes présentant une anémie ferriprive en début de grossesse que chez celles ayant une anémie d'une autre cause, suggérant que c'est bien la carence en fer et non l'anémie qui est responsable. L'existence de saignements augmente aussi les risques d'accouchement prématuré et la conjonction des deux facteurs est additive, le risque étant alors multiplié par 5. Il n'existe pas de preuve tangible permettant de craindre que les enfants de mères présentant un déficit en fer soient particulièrement exposés au risque de carence. Seules quelques études, originaires de pays en développement, démontrent l'existence d'une anémie chez des enfants nés de femmes elles-mêmes anémiques, encore que cette anémie soit beaucoup moins intense chez le nouveau-né que chez sa mère. D'autres études, conduites dans le même environnement, n'ont pas confirmé ces premiers résultats, suggérant que d'autres facteurs, telle l'infection, en étaient responsables. En fait de très nombreuses études, utilisant le dosage de la ferritine ou celui de l'hémoglobine, ont largement démontré qu'il n'existe que très peu ou pas de différence entre les nouveau-nés des femmes carencées et ceux nés de femmes non carencées, ni même avec ceux de femmes ayant reçu un supplément de fer pendant leur grossesse.
L'anémie ferriprive sévère (hémoglobine < 9 g/dl et surtout < 7 g/dl) augmente la mortalité périnatale, le risque de prématurité (risque relatif [RR] = 2,6) et d'hypotrophie foetale (RR = 3), mais les différents travaux ne prennent pas en compte les autres facteurs d'accidents gravidiques et les carences en autres nutriments. Il apparaît en tout cas que les réserves en fer du nouveau-né ne sont pas influencées par le statut maternel, le foetus se comportant une nouvelle fois en « prédateur sélectif ». Cette remarquable faculté d'adaptation des échanges maternofoetaux au bénéfice du foetus contribue à expliquer la faiblesse du retentissement foetal des anémies ferriprives. Une fois encore, l'adaptation maternelle et les mécanismes de régulation des échanges maternofoetaux contribuent à protéger la croissance foetale des fluctuations du régime. Même si un certain retard du développement a pu être constaté chez des enfants carencés, la supplémentation en fer au cours de la grossesse n'améliore pas les performances mentales futures des enfants. 

Intérêt de la supplémentation en fer 

La supplémentation en fer est devenue systématique au cours de la grossesse pour la majorité des gynécologues-obstétriciens français, ce qui peut paraître justifié étant donné la fréquence de la carence en fer dans le monde et les recommandations de nombreuses organisations ou sociétés savantes, encore que toutes ne soient pas d'accord sur les doses de fer à prescrire. La prévention de l'anémie (hémoglobine < 11 g/dl) qui est constatée chez 51 % des patientes (tous pays confondus) par l'OMS est le principal argument de cette attitude systématique. On évite ainsi les conséquences maternofoetales de cette anémie en améliorant les réserves en fer de la mère, du foetus et du nouveau-né. Le dosage de l'hémoglobine doit rester le critère essentiel pour décider d'une supplémentation et doit être surveillé pour éviter des taux supérieurs à 13 g/dl potentiellement à risque. 
La supplémentation en fer améliore les dosages hématologiques de la mère mais pas ceux du foetus et du nouveau-né. 
La diminution des complications obstétricales est retrouvée lors d'une polysupplémentation mais sans analyse des autres facteurs de risque obstétrical. Les essais cliniques de supplémentation systématique par rapport à une supplémentation sélective ne montrent pas de différence au niveau maternofoetal. 



Risques de la supplémentation systématique


Les troubles digestifs (nausées, constipation) sont étroitement corrélés à des doses trop élevées. L'emploi de préparations pouvant être prises au cours des repas en diminue encore la fréquence. Les risques de surcharge sont inexistants aux doses préconisées. Surtout, il apparaît que les interactions avec d'autres micronutriments (au premier rang desquels on trouve le zinc dont l'absorption est diminuée au cours de la supplémentation par le fer) pourraient aggraver un risque malformatif d'origine nutritionnelle. 
Récemment, une controverse s'est développée concernant le risque oxydatif lié à un apport excessif et systématique en fer, dont on sait qu'il participe in vivo à la génération des formes radicalaires OH extrêmement agressives. Cet inconvénient, source peut-être de retentissement foetal et maternel, pourrait aggraver le stress oxydant de la grossesse; celui-ci pourrait se trouver neutralisé par une polysupplémentation associant des éléments antioxydants tels que le zinc, les vitamines E, C et peut-être le β-carotène. La diminution des réserves en fer n'est-elle pas une adaptation physiologique pour mieux résister au stress oxydatif de la grossesse ? 



Quelle supplémentation en fer proposer ? 


Aucun argument ne permet, aujourd'hui, d'affirmer la supériorité de la supplémentation systématique sur la supplémentation sélective  même si l'effet biologique du traitement martial systématique est indiscutable et si des posologies « raisonnables » (de 40 mg à 60 mg) n'entraînent que peu d'effets secondaires apparents tout en étant peu coûteuses. 
Une supplémentation martiale a donc pu être proposée, soit 45 mg dès le 3e mois de la grossesse, alors que l'OMS préfère 20 mg/j et le National Research Council (1980) 60 mg/j pour reconstituer les réserves. La supplémentation martiale peut être réalisée soit sous forme de comprimés, soit sous forme d'aliments (lait surtout) enrichis en fer mieux absorbés mais qui sont d'un coût non négligeable. 
La supplémentation martiale est nécessaire chez les femmes anémiées, à risque d'anémie lors de conditions obstétricales particulières et défavorables d'un point de vue nutritionnel. La clinique n'a qu'un intérêt limité dans le dépistage de l'anémie. 
Compte tenu des risques de carence plus élevés chez les adolescentes, chez les femmes qui ont eu des grossesses répétées et chez celles qui ont des ménorragies importantes ou une alimentation pauvre en fer héminique (viande, poisson), et d'une manière générale chez les femmes appartenant à des milieux défavorisés, une supplémentation en fer à la dose de 30 mg/j dès le début de la grossesse est recommandée dans ces groupes. En dehors de ces facteurs de risque, il n'y a aucune justification à la supplémentation systématique en fer des femmes enceintes.



Conclusion 


L'anémie par carence martiale doit être dépistée précocement par une numération-formule sanguine au 3e-4e mois. Une hémoglobine inférieure à 10 g/dl dès le 1ertrimestre est en effet déjà associée à un risque accru de petit poids de naissance (OR = 1,44 ; intervalle de confiance [IC] 95 % = 1,17-1,78) et d'accouchement prématuré (OR = 1,34 ; IC 95 % = 1,16-1,55). Le dosage de la ferritinémie sérique semble présenter un intérêt clinique. Les patientes à réserve insuffisante en fer (ferritine < 30 μg/l), qui bénéficient d'une supplémentation ferrique (40 mg de fer entre 18 et 32 semaines d'aménorrhée [SA]) ont moins d'anémie par carence martiale à 32 SA. 
Le taux de ferritine pourrait avoir des conséquences sur le foetus. Dans une étude réalisée en Iran, le poids de naissance était corrélé au dosage sérique de la ferritinémie maternelle. Ce résultat est toutefois à nuancer dans une population où l'incidence de l'anémie par carence martiale n'était pas connue. Finalement, l'argument le plus intéressant semble être la corrélation très importante entre anémie infraclinique (ferritine basse et hémoglobine normale) et vaginose bactérienne en début de grossesse favorisée par l'anémie. 
Dans un article récent, un dosage de récepteur soluble de la transferrine supérieur à 1,45 mg/l était associé à trois fois plus de vaginose bactérienne, infection fortement pourvoyeuse de rupture prématurée des membranes. 
En conclusion, un dosage de l'hémoglobine sérique maternelle doit être réalisé dès le 3emois de grossesse. Il peut être complété par un dosage du récepteur soluble de la transferrine mais son coût est important et il n'est pas réalisé en pratique courante. 
En cas d'anémie par carence martiale, le ministère de la Santé recommande une supplémentation en fer à la dose de 40 à 60 mg/j jusqu'à correction de l'anémie. 
Une supplémentation systématique n'a, en revanche, pas montré son intérêt. De plus, un essai contrôlé randomisé a montré qu'un apport systématique de fer pour des patientes non anémiées (hémoglobinémie ≥ 13,2 g/dl) entraînait plus de petit poids de naissance et d'hypertension gravidique que pour les patientes contrôles.



Stress oxydatif gravidique et vitamines 


La production de radicaux libres de l'oxygène par notre organisme est limitée, nécessaire et inévitable, car c'est le prix à payer d'un fonctionnement cellulaire aérobie indispensable à la vie. Sur le plan biologique, les conséquences de l'attaque radicalaire sont multiples et peuvent entraîner des modifications des acides nucléiques, des protéines ou des lipides qui sont peroxydés. 
Au cours de la grossesse, cet équilibre est rompu conduisant à une peroxydation lipidique accrue. Une supplémentation systématique en fer et en vitamine C pourrait être à l'origine d'une production accrue de radicaux libres. L'origine de ce stress oxydant, ses conséquences biochimiques et la réponse des défenses antioxydantes à cette situation sont encore peu étudiées. Il pourrait être lié à l'augmentation des taux circulants de lipides. 
On sait depuis peu que des vitamines antioxydantes empêchent les réactions de propagation en piégeant les radicaux peroxyles ROO· ou alkyles R· et en inhibant la lipoperoxydation. 
Pour augmenter les défenses antiradicalaires, des oligoéléments ou des vitamines antioxydantes peuvent être ajoutés dans l'alimentation. Des études sur le rat ont montré un effet bénéfique direct d'une alimentation enrichie en oligoéléments sur la réparation de l'acide désoxyribonucléique (ADN). Des études préliminaires sur l'homme portent également sur l'effet de l'huile de palme enrichie en β-carotène, de l'alphatocophérol ou du lycopène sur la production des radicaux libres. 
Besoins en iode  

L'iode est un oligoélément essentiel à l'homéostasie thyroïdienne, notamment chez la femme enceinte et le foetus. Or cet équilibre est primordial pour le développement cérébral tissulaire, pour l'acquisition de l'intelligence et des capacités d'apprentissage. 
La principale source d'apport en iode est alimentaire. L'iode peut être apporté par des produits naturellement riches en iode (algues, poissons, etc.), contenant des additifs riches en iode (alginates, érythrosine, etc.), ou enrichis en iode comme les sels de cuisine. 
Au cours de la grossesse, les besoins en iode sont augmentés d'environ 50 μg/j en raison d'une stimulation thyroïdienne maternelle (parβ-human chorionic gonadotrophin), d'une augmentation de la clairance rénale maternelle de l'iode sous l'effet de l'hyperestrogénie et du passage transplacentaire de l'iode pour la synthèse des hormones thyroïdiennes foetales à partir du 2e trimestre . Certaines situations exposent à un risque plus élevé de déficience en iode : zones géographiques à risque (relativement nombreuses : Alpes, Bretagne, Massif Central) mais aussi tabagisme, grossesses rapprochées, régimes alimentaires (végétalisme, etc.) et les nausées ou vomissements limitant les apports alimentaires. 
L'intérêt d'une supplémentation pour les femmes enceintes a été évalué dans des régions de carence iodée. Trois essais impliquant 1 551 femmes ont montré que la supplémentation iodée était associée à une importante diminution du crétinisme (RR = 0,27 ; IC 95 % = 0,12-0,60) et du développement psychomoteur anormal des enfants. 
Le ministère de la Santé recommande pour toute grossesse la consommation de produits riches en iode et, en cas de risque de carence iodée, un apport supplémentaire de 100 μg/j pendant toute la grossesse. La supplémentation systématique fait encore l'objet de controverses bien que son innocuité soit reconnue. Par ailleurs, une alimentation riche en soja devra être évitée en raison du risque d'hypothyroïdie induite. 



Besoins en calcium


Avant la naissance à terme, le foetus accumule près de 30 g de calcium et 15 g de phosphore. L'accrétion calcique se fait essentiellement en fin de grossesse (20 g de calcium et 10 g de phosphore) et on estime qu'elle est de l'ordre de 200 mg/j au cours du 3e trimestre. Les recommandations concernant l'apport calcique au cours de la grossesse varient d'un pays à l'autre et se situent entre 750 et 1 200 mg/j de calcium élément. Elles sont du même ordre de grandeur pour la lactation, afin de compenser les 200 à 300 mg/j sécrétés dans le lait. 
L'absorption du calcium augmente très tôt au cours de la grossesse. Le pourcentage absorbé, de l'ordre de 33 % avant, atteint 54 % au cours du 3e trimestre de gestation, soit environ 600 mg Ca/j, une quantité largement suffisante pour les besoins du foetus même en tenant compte de l'accroissement de l'excrétion urinaire. L'absence de toute variation significative de la densité osseuse maternelle démontre bien que les réserves n'ont pas été mises à contribution. Au cours de la lactation, l'absorption du calcium retourne à des valeurs comparables à celles qui précèdent la grossesse ; son excrétion urinaire diminue, alors que les réserves minérales osseuses, particulièrement des os trabéculaires, sont mobilisées. L'administration d'un supplément de calcium n'a aucun effet sur l'évolution de la densité osseuse, ni sur la teneur en calcium du lait. Après le sevrage, la déminéralisation osseuse se corrige spontanément et complètement, comme le suggère le fait que ni la durée de l'allaitement, ni le nombre d'enfants ainsi alimentés ne constituent un facteur de risque d'ostéoporose ultérieur. Les besoins du foetus sont donc couverts par l'augmentation de l'absorption intestinale et ceux de la lactation par la mobilisation réversible du calcium osseux et la réduction de ses pertes urinaires. Il est donc inutile de recommander aux femmes en bonne santé, enceintes ou allaitantes, d'augmenter leur apport alimentaire qui est de l'ordre de 900 à 1 100 mg/j dans notre pays, surtout si leur consommation de lait et de produits laitiers est quotidienne. 



Besoins en sodium


Les régimes sans sel apparaissent n'avoir aucune utilité dans la grossesse normale. Toute modification sodée entraîne une modification de la réabsorption hydrique tubulaire par modification de l'osmolalité : c'est le cas des diurétiques ; une baisse de la natrémie entraîne un accroissement de la réabsorption d'eau et de sel. Les besoins de l'ordre de 3 g/j sont largement couverts par l'alimentation. Seul l'excès doit être réduit. L'oedème physiologique par diminution de la pression oncotique du plasma est progressif, ne s'accompagne d'aucune rupture de la courbe pondérale, ni d'oligurie et ne représente aucun risque hypertensif, ni de maladie rénale et ne justifie aucune restriction sodée. 



Besoins en magnésium 


Le nouveau-né à terme contient à peu près 1 g de magnésium. Pendant la grossesse, la magnésémie maternelle décroît progressivement pour atteindre les valeurs les plus basses au dernier trimestre et remonter après l'accouchement. Il est admis que ces variations sont en rapport avec l'hémodilution physiologique. Si l'on tient compte de ce facteur, la quantité totale de magnésium dans le plasma augmente ou reste inchangée pendant toute la grossesse, le magnésium érythrocytaire restant constant ou diminuant légèrement. Quoi qu'il en soit, la concentration du magnésium dans le sang du cordon est plus élevée que chez la mère, traduisant vraisemblablement un transport actif par le placenta. L'absorption fractionnelle du magnésium est inversement proportionnelle aux apports, mais on estime à 50 % la quantité moyenne de magnésium alimentaire absorbée. Sur la base des apports réels observés en France (environ 250 mg/j) et d'une rétention maternelle de 10 %, la quantité de magnésium disponible serait largement suffisante (7 g) pour faire face à la demande foetale et à la croissance des tissus maternels. Cette valeur est probablement inférieure à la réalité, les enquêtes alimentaires sous-estimant les apports magnésiques liés aux eaux de boisson. Bien qu'il n'ait jamais été observé de carence vraie d'origine alimentaire dans la population générale, l'hypomagnésémie a été impliquée dans la survenue d'accouchements prématurés, de retards de croissance intra-utérins et d'avortements spontanés. Compte tenu de l'extrême rareté de la carence vraie en magnésium et de la grande fréquence de la prématurité, tout lien causal peut être a priori exclu. 
D'autre part, l'effet de la supplémentation (100 à 350 mg/j) sur l'issue de la grossesse est très inconstant. Il n'existe donc aucune justification à la supplémentation systématique en magnésium au cours de la grossesse. Une orientation judicieuse des choix alimentaires des femmes enceintes (coquillages, fruits et légumes secs, céréales entières, eaux minérales riches en magnésium) devrait suffire à assurer des apports satisfaisants. 
Deuxième cation intracellulaire, l'ion magnésium active plus de 300 enzymes et est impliqué dans la régulation de perméabilité cellulaire et de l'excitabilité neuromusculaire ainsi que dans les systèmes de production et de transport d'énergie, la coagulation sanguine, les sécrétions endocrines, etc. L'absorption intestinale procède d'un double mécanisme de diffusion passive et diffusion facilitée saturable. Le tiers du magnésium ingéré est ainsi absorbé (selon l'acidité et la richesse alimentaire en protéines, en triglycérides, en vitamine B et D, en fibre, en alcool, en calcium, etc.). Les légumes secs, le cacao, les céréales en sont la source principale sans oublier certaines eaux de boissons. Les besoins sont de 400 mg/j au cours de la grossesse, mais 80 % des gestantes ont un apport inférieur à 300 mg qui tend à diminuer d'ailleurs avec les habitudes alimentaires actuelles, entraînant un déficit aggravé en outre par l'augmentation de la magnésurie au cours de la gravidité. Les conséquences neuromusculaires peuvent être cliniquement évidentes (crampes). Une supplémentation de 200 mg/j la plus précoce possible s'avère alors efficace. Si chez l'animal la carence sévère en magnésium entraîne certaines complications (mort foetale, malformations, anomalies du travail), il est bien difficile d'attribuer un rôle précis à une subcarence dans les pathologies gravidiques, même si on a pu constater retards de croissance intra-utérin ou avortements spontanés ; son rôle dans la mort subite du nouveau-né et dans la prééclampsie n'est pas établi et il n'y a pas actuellement de preuve suffisante pour justifier la supplémentation en magnésium pendant la grossesse. 



Besoins en oligoéléments


Ceux-ci sont présents physiologiquement à des doses inférieures à 1 ppm et selon Cotzias : « ce sont des éléments dont la carence entraîne des troubles voisins entre les espèces identiques, corrigés par une supplémentation en éléments manquants ». Certains ont un rôle physiologique de première grandeur mais l'incidence de leur carence en cours de gestation n'apparaît encore souvent qu'au cours d'expérimentations animales sous forme de malformations ou d'anomalie du développement foetal. 



Zinc 


Il catalyse, en liaison avec des protéines, de nombreuses réactions de déshydrogénation et de déshydratation. Il agit aussi comme cofacteur d'enzymes de synthèse de certaines hormones et prostaglandines, et comme stabilisateur de l'insuline, de certains facteurs de différenciation cellulaire, nerve growth factor (NGF), gustine, epidermal growth factor(EGF) et de la thymuline. Il agit enfin sur le métabolisme des acides nucléiques (ADN et acide ribonucléique [ARN] polymérases, etc.). 
Le zinc est donc indispensable lors de la croissance et de la multiplication cellulaire, dans l'immunité cellulaire et le maintien de la fertilité et de l'intégrité cutanée. De nombreux travaux  montrent que la plupart des actions du zinc passent par ses propriétés d'antioxydant biologique puisqu'il stabilise les membranes lipidiques et les protéines en protégeant les ponts thiols contre l'oxydation. Enfin, la carence en zinc entraîne une fragilisation de la tubuline nécessaire à la constitution des « doigts à zinc » impliqués dans les phénomènes de migration cellulaire. Ces propriétés pourraient expliquer la survenue de malformations chez les animaux carencés en zinc au cours de la gestation (anomalies de fermeture du tube neural). 
Le zinc est présent surtout dans la viande et le poisson, les fruits de mer. L'apport alimentaire peut, au cours de la grossesse, s'avérer insuffisant : le besoin chiffré à 20 mg/j par l'OMS n'est pas couvert par l'apport moyen de 10 mg, ce qui entraîne une baisse du statut en zinc. La base de données Cochrane rapporte une diminution de 14 % des accouchements prématurés en cas de supplémentation en zinc par rapport à un groupe placebo. Bien qu'aucun autre paramètre foetal ne semble modifié, la supplémentation en zinc devrait être proposée lors d'un traitement associant folates et fer qui diminuent l'absorption intestinale du zinc. Par ailleurs, le zinc permet d'augmenter l'absorption des folates alimentaires et participe ainsi à la prévention des déficits en folates. Étant donné l'anabolisme protidique important, une supplémentation de 30 mg/j de zinc nous paraît raisonnable surtout s'il existe des antécédents de retards de croissance intra-utérins ou de malformations (anomalies de fermeture du tube neural).



Cuivre

Il est impliqué dans les enzymes d'oxydoréduction et intervient dans l'érythropoïèse (libération du fer contenu dans la muqueuse duodénale), la lutte contre le stress, la synthèse de la myéline, de l'élastine. On insiste actuellement beaucoup sur le rôle du cuivre dans la lutte contre l'attaque radicalaire puisqu'elle est nécessaire à l'activité de la superoxyde-dismutase, cuivre-zinc-dépendante. Le cuivre est mobilisé au cours de la grossesse aux dépens des tissus pour maintenir un taux sanguin double du taux habituel. Les apports doivent couvrir les besoins (2 à 3 mg/j). Il est présent dans le foie, les crustacés, les huîtres et les céréales. Les interactions métaboliques du cuivre, du zinc et du fer incitent à une supplémentation en cas de traitement martial ou par le zinc, mais elle n'est pas recommandée de façon systématique par les auteurs car c'est le seul micronutriment avec la vitamine E dont le taux plasmatique est plus élevé au cours de la grossesse qu'en dehors de la grossesse. 



Fluor 


Très répandu dans la nature, le fluor se retrouve dans de nombreux aliments et eaux de boisson. Son absorption est particulièrement facile et son affinité calcique explique sa captation par le squelette et les dents en voie de minéralisation donc essentiellement chez le sujet jeune. Chez la femme enceinte, l'excrétion urinaire est diminuée et le passage placentaire passif est effectif bien que longtemps contesté. Le fluor s'accumule dans les tissus durs foetaux. La diminution des caries dentaires chez des enfants de mère ayant été supplémentée en fluor pendant la grossesse, constatée par de nombreuses études, est sujette à discussion. Le fluor ne s'incorpore que sur les couches profondes des dents de lait dès le 4e mois in utero et les preuves scientifiques permettant de recommander la supplémentation prénatale en fluor sont encore inexistantes. 



Besoins en eau


L'apport hydrique doit faire face aux besoins : 2,5 l/j d'eau. L'eau contenue dans les aliments en représente à peine la moitié et doit être complétée par l'eau de boisson. L'eau, liée aux protéines, est aussi présente dans le liquide amniotique, participe à l'élévation de la masse sanguine et constitue les oedèmes périphériques physiologiques. L'apport hydrique suffisant évite la concentration urinaire, facteur d'infection et de lithiase, permet à la fois une bonne hydratation des selles et de faire face aux autres sorties (respiration, transpiration, etc.). L'eau, seule boisson physiologique indispensable à l'organisme, amène en quantité variable des constituants minéraux et contribue ainsi pour une part non négligeable à l'équilibre nutritionnel (calcium et magnésium). La composition de l'eau du robinet est éminemment variable mais les eaux minérales sont bien répertoriées et leur influence sur la diurèse non négligeable. On doit éviter les eaux à teneur trop riche en sodium. 
Les autres boissons, qualifiées de « sociales », amènent sucre et/ou alcool et alcaloïdes et ne doivent être absorbées qu'avec discernement en raison de leur effet nutritionnel ou toxique sur la grossesse. 



Sécurité sanitaire des aliments


Les maladies d'origine alimentaire pendant la grossesse peuvent être à l'origine de problèmes sanitaires graves pour la future mère et l'enfant qu'elle porte : avortement spontané, accouchement prématuré, mortalité et morbidité néonatales ou mortalité maternelle. 
Contamination chimique des aliments 

Métaux lourds (plomb et mercure)
L'exposition au plomb et au mercure est source de préoccupations dans de nombreuses régions du globe en raison des effets de ces métaux sur le développement du système nerveux. Le foetus, le nourrisson et le jeune enfant y sont particulièrement sensibles. L'exposition du foetus par le sang maternel ou le lait maternel peut entraîner des effets neurotoxiques pouvant se traduire par une diminution de l'intelligence et des problèmes comportementaux. 
Les mesures de sécurité sanitaire préconisées par l'OMS pour réduire l'exposition au plomb consistent à : 
• laver soigneusement les fruits et les légumes ;
• éviter d'utiliser des récipients en céramique aux couleurs vives, notamment lorsque les aliments sont acides ;
• éviter les aliments contenus dans des boites soudées au plomb ;
• éviter les produits alimentaires produits à proximité des routes fréquentées dans les pays où l'essence contient du plomb ou près de fonderies ou de zones contaminées par du plomb.
• lutter contre la présence de plomb à la source, par exemple en utilisant de l'essence sans plomb. 
Le mercure, principalement sous forme de méthylmercure, est présent en quantité dans la chair des grands prédateurs marins (requin, espadon ou marlin). Cette information doit être donnée aux patientes sans toutefois négliger les avantages d'une consommation régulière de poisson (apport d'acides gras polyinsaturés, protéines spécifiques et micronutriments indispensables). 

Dioxines et polluants organiques persistants (POP)
Les dioxines et les autres POP sont des produits et des sous-produits industriels qui s'accumulent dans l'environnement et la chaîne alimentaire, principalement dans les produits d'origine animale tels que le poisson, la viande, les oeufs et les produits laitiers. Les POP peuvent passer la barrière placentaire et se retrouver dans le lait maternel. Une forte exposition in utero et dans la période postnatale à certains POP a été liée à des modifications neurologiques, respiratoires, de reproduction et de développement. La consommation de produits animaux à faible teneur en graisse et l'élimination de la graisse de la viande permettent de réduire l'exposition des filles et des jeunes femmes notamment. 



Contamination microbiologique des aliments 


Listeria monocytogenes 
La listériose d'origine alimentaire, causée par la bactérie Listeria monocytogenes, est une maladie rare (un à dix cas par million d'habitants par an) mais grave et affichant des taux de létalité très élevés (20 % à 30 %). La listériose affecte les adultes, mais elle est particulièrement importante chez l'enfant à naître, et 40 % environ de tous les cas sont liés à la grossesse : cette affection peut entraîner des fausses couches, des accouchements prématurés, une morbidité et une mortalité néonatales. 
Les aliments sont la principale voie de transmission de la listériose. Les aliments crus peuvent être contaminés par des microbes présents dans l'environnement (terre ou fumier) ou par des animaux asymptomatiques utilisés dans les aliments. En outre, des aliments cuits peuvent être à nouveau contaminés après transformation. Listeria monocytogenes est une bactérie particulièrement dangereuse car elle peut se développer aux températures de conservation au réfrigérateur. Parmi les aliments à haut risque, on peut citer la viande de charcuterie et les produits carnés prêts à consommer (par exemple les viandes et saucisses cuites, fumées et/ou fermentées), les fromages à pâte molle et les poissons ou fruits de mer fumés à froid. 

Point fort 
Mesures de sécurité alimentaire préconisées par l'OMS pour limiter la contamination des aliments par Listeria monocytogenes
• Éviter les aliments à haut risque qui ne sont pas cuits avant d'être consommés ; par exemple les poissons ou fruits de mer fumés et en semi-conserve, le lait non pasteurisé et ses dérivés (par exemple les fromages à pâte molle), le pâté et les salades vendues en magasin.
• Bien cuire les viandes, qu'elles soient crues ou transformées (jambon, hot dogs et viandes froides notamment), ainsi que les restes.
• Éviter les aliments périssables dont la limite de consommation est dépassée.

Toxoplama gondii 
Provoquée par le protozoaire parasiteToxoplasma gondii, la toxoplasmose est une maladie à forte prévalence dans le monde entier, dont les effets à long terme pour le foetus sont graves. La toxoplasmose congénitale, survenant chez la femme en cours de grossesse ou peu avant celle-ci, peut entraîner de graves séquelles foetales, telles que retard mental, cécité, infirmité motrice cérébrale ou mortalité néonatale. Dans les pays où son incidence est élevée, ce sont jusqu'à trois à six nouveau-nés sur 1 000 qui, chaque année, sont atteints de toxoplasmose congénitale. 
L'hôte de Toxoplasma gondii est la famille desFelidae, chez qui le parasite se reproduit par multiplication sexuée ; le chat élimine les oocystes dans les matières fécales. L'infection humaine peut se produire par différentes voies, notamment : 
• la consommation de viande crue ou insuffisamment cuite contenant des oocystes de toxoplasme ;
• la consommation d'aliments ou d'eau contaminés par de la terre ou des matières fécales de chats contenant des oocystes ;
• le contact avec des chats domestiques et sauvages infectés. 
Point fort 
Mesures de sécurité alimentaire préconisées par l'OMS pour limiter la contamination des aliments parToxoplasma gondii
• Éviter la viande et les produits carnés qui n'ont pas été traités pour éliminer le parasite. Ce traitement peut être la cuisson, la congélation ou l'irradiation.
• Laver les légumes et autres aliments susceptibles d'avoir été en contact avec de la terre ou des matières fécales de chat.
• Se laver les mains, laver toutes surfaces ou ustensiles de cuisine ayant été en contact avec des chats, de la viande crue et de la terre.
• Ne pas laisser les chats s'approcher des surfaces où les aliments sont préparés ; notamment empêcher les chats d'entrer dans la cuisine.
• Éviter le lait et les produits laitiers non pasteurisés.

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