mardi 20 août 2013

AUTOBRONZANTS OU BRONZANTS ARTIFICIELS




Introduction

Le marche des autobronzants est actuellement en pleine expansion avec une progression de 35,9 % entre 2005 et 2006 pour plusieurs raisons. La mise en garde des dermatologues vis-a-vis de l'exposition solaire, largement diffusee par les medias a ete entendue, rendant obsolete le bronzage intensif. Parallelement, la technologie des produits autobronzants a considerablement evolue, enfin le concept á bonne mine â pour homme comme pour femme ou adolescent s'est largement repandu.

Substances actives et coloration

En dehors de la pigmentation naturelle, plusieurs moyens sont disponibles pour colorer la peau. Il s'agit toujours d'une coloration superficielle qui n'interesse que l'epiderme, mais qui peut etre plus ou moins permanente. Les colorants directs sont les plus anciennement employes. La keratine de l'epiderme est receptive a un grand nombre de substances colorantes, bien souvent dforigine vegetale, telles que les naphtoquinones (juglone du noyer), les tannins, l'acidegallique du marron d’Inde et du ratanhia 1 , les colorants du thé noir. Elles sont contenues dans des extraits alcooliques ou des infusions diverses. On trouve sur le marché des mélanges tels que QuickSun Mat® à base d’extrait de chicorée et de Gymnema 2 sous forme de solution aqueuse qui procure un bronzage mat et modulable en fonction du nombre d’applications. Il s’agit dans tous les cas d’une véritable peinture qui ne concerne que la toute première couche de cellules desquamantes. La fixation demeure précaire malgré les prodiges des formulateurs qui associent à ces colorants des polymères cationiques chargés positivement auxquels ils confient le soin d’entraîner avec eux le colorant lors de leur liaison avec la kératine chargée négativement. La première douche est donc fatale à ce bronzage
fragile. Les précurseurs de mélanine tels que le 5,6-indole-quinone sont théoriquement capables de colorer la kératine de l’épiderme comme ils colorent la kératine des cheveux où ils fournissent des colorations semi-permanentes à développement progressif. Leur efficacité est cependant limitée par les toilettes quotidiennes qui éliminent chaque jour les applications effectuées la veille. Les mélanines artificielles obtenues à partir de l’aloïne ou de dérivés du tournesol, bien qu’incolores à l’origine et ne développant leur coloration que progressivement par formation lente du polymère, ne sont aussi que des colorants plus ou moins superficiels. Les compléments alimentaires appelés autrefois « pilules à bronzer » sont à base de bêtacarotène et autres caroténoïdes de type cantaxanthine. Ce sont des colorants jaune-orange ou rouges, liposolubles, qui s’accumulent dans les graisses souscutanées en fournissant une teinte ambrée modifiant la couleur naturelle de la peau et génératrice d’un effet « bonne mine » analogue au teint coloré des bébés nourris de purée de carotte. Ces gélules ou capsules ont l’avantage de véhiculer d’autres effets qu’une coloration. Leurs actifs sont des antioxydants puissants considérés comme antiradicalaires (bêtacarotène, lycopène), mais aussi comme anti-irritants . Cependant, les deux actifs les plus performants sont actuellement la dihydroxyacétone (DHA) et l’érythrulose. La dihydroxyacétone (OHCH2–CO–CH2OH) ou propanediolone a d’abord été utilisée comme médicament dans les années 1930 pour le traitement du diabète. L’apparition, chez les patients traités, d’une coloration jaune foncé des gencives et de la plaque dentaire au cours de ces traitements donna l’idée de l’utiliser pour colorer la peau. La première lotion autobronzante fut mise sur le marché en 1945 en Californie.
Le mode d’action de la DHA est tout à fait particulier. La coloration obtenue n’a rien de commun avec la pigmentation naturelle due à la mélanine, mais résulte d’une réaction chimique dite réaction de Maillard, entre la cétone et les acides aminés présents dans la couche cornée. Cette réaction donne naissance à des polymères colorés : les mélanoïdines à partir de la cétone ou de son isomère le glycéraldéhyde selon la Figure 1.






OH-CH2 − CO − CH2OH ↔ OHCH2 − CHOH − CHO



   Dihydroxyacétone                     Glycéraldéhyde



R − CHO + R1 − NH2 ↔ R − CH = N − R1 + H2O

Aldéhydes + Acides aminés             Bases de Schiff

                                                   ↓  Réarrangement d'Amadori

                                   Aldosamines ou cétosamines

                                                    ↓ Dégradation




                           Composés odorants (dont hétérocycles)




                                                    ↓ Polymérisation



                                                       Mélanoïdines




Figure 1. Mode d’action de la dihydroxyacétone (DHA).


Les bases de Schiff subissent une transformation dite « réarrangement » d’Amadori (aldéhydes) ou de Heyns (cétones) qui conduit à des aldosamines ou des cétosamines. Leur dégradation, par un ensemble de réactions d’oxydation et de déshydratation, fournit ensuite un mélange complexe de composés volatils et odorants qui, après polymérisation, donne naissance aux mélanoïdines . Les acides aminés du stratum corneum sont représentés de façon inégale et se répartissent de la façon suivante dans le stratum disjonctum (Tableau 1).



                             Tableau 1



Répartition des acides aminés du stratum corneum dans le stratum disjonctum.




                                       Sérine 25%



                                       Citrulline 15%



                                       Valine 3%


                                       Leucine 3%

                                       Phénylalanine 3%

                                       Proline 2%

                                      Tyrosine 4%

                                      Alanine 7%

                                      Thréonine 6%

                                      Glycine 8%

                                     Ornithine 2%

                                      Histidine 3%

                                      Lysine 5%

                                     Arginine 5%

                                     Acide aspartique 6%

                                     Acide glutamique 3%



In vitro, les acides aminés qui réagissent le mieux avec la DHA sont : glycine, lysine, arginine, valine, leucine [6] ou glycine, lysine, histidine ou seulement glycine et histidine . Plus les cellules cornées sont nombreuses, plus la coloration est intense d’où l’apparition de zones plus foncées au niveau des parties cornées : les genoux, les coudes, les talons. C’est pourquoi il est recommandé d’effectuer un gommage convenable avant l’application. La coloration se développe normalement en environ 6 heures. Elle est évidemment superficielle, mais relativement permanente. Ce n’est pas une teinture comme celles obtenues avec des extraits de thé ou de noyer. Elle ne disparaît que progressivement en fonction du renouvellement des cellules cornées. Les lavages, à condition qu’ils ne soient pas accompagnés de gommage ou de frictions intensives, ne l’attaquent pas. L’intensité de la coloration augmente proportionnellement à la concentration en DHA, à la température, au pH de la peau et du produit (un milieu alcalin favorise la réaction) . Malheureusement, la DHA n’est stable qu’en milieu acide et incompatible avec un grand nombre d’ingrédients, ce qui a toujours compliqué la formulation. De plus, la réaction développe une odeur désagréable surtout à la chaleur. Le parfumage est souvent parfait lorsque le produit est dans son conditionnement, il n’est pas toujours adéquat lors de l’application lorsque la réaction se développe. Il a été démontré in vivo, par utilisation de patchs occlusifs posés sur l’avant-bras de volontaires humains, que le développement de la réaction était en relation avec le degré d’humidité ambiante. En effet, à 0 % ou 100 % d’humidité relative (HR), la coloration n’apparaît pas et cette inhibition n’est pas la conséquence d’un manque d’oxygène, mais présente une corrélation positive avec le pourcentage d’eau jusqu’à 75 %. Sur la peau de souris hairless, il semblerait que la valeur d’HR optimale se situe aux alentours de 84 % et l’on obtient la même réponse biphasique sur des films d’alcool polyvinylique imprégnés de lysine. Tous ces inconvénients ont créé une grande réticence des consommateurs à l’utilisation des autobronzants. C’est néanmoins actuellement la molécule la plus employée associée ou non à l’érythrulose.

L’érythrulose  (HOCH2–CO–CHOH–CH2OH) est un cétosucre qui, comme la DHA, peut se combiner aux acides aminés de la peau. Formulée seule, elle ne fournit pas la même intensité de coloration, mais associée à la DHA, elle permet d’obtenir un bronzage plus homogène et de plus longue durée grâce à une meilleure dispersion dans le stratum corneum. Elle est plus stable que la DHA, en particulier à la température, mais nécessite aussi un pH acide égal ou inférieur à 5. La troxérutine est une molécule de synthèse qui ne développe pas de coloration lorsqu’elle est utilisée seule. Mais, associée à la DHA, elle fournit rapidement une teinte soutenue et durable. La troxérutine, à une concentration de 3 %, a aussi d’autres propriétés telles qu’un effet anti-inflammatoire et antioxydant. D’où l’obtention d’une peau douce et d’un teint uniforme. Les dérivés de tyrosine sont des accélérateurs du développement de la pigmentation mélanique par apport d’acide aminé, base de la mélanogenèse. Cependant, ils sont insuffisants à eux seuls pour apporter une teinte convenable. En revanche, ils sont associés parfois à la DHA dont ils prolongent l’action.



■ Formulation galénique


Les problèmes technologiques posés par la formulation de la DHA ont été peu à peu surmontés. On sait depuis longtemps qu’il est nécessaire d’écarter de toute formule la présence d’ingrédients capables de se combiner à la DHA, à savoir : acides aminés, protéines, peptides, sels ammoniacaux, triéthanolamine, sous peine d’un développement de la coloration dans les tubes et non sur la peau. Les tampons phosphate sont également contre-indiqués. Le pH des préparations doit être maintenu aux environs de 5 .
La DHA étant thermolabile, elle doit être introduite dans les émulsions à température inférieure à 40 °C . Les émulsionnants doivent être de type non ionique, les gélifiants les plus adéquats sont : hydroxy-éthyl-cellulose, méthylcellulose et silice . Il est relativement facile de pallier ces contraintes. Il reste deux points plus délicats :
• concevoir des textures qui permettent une application uniforme sans traînées, quelle que soit la concentration en matière active ;
• supprimer, limiter ou masquer le développement de l’odeur générée par la réaction chimique de combinaison de la DHA avec les acides aminés de la peau.

Il semble que ces problèmes aient été résolus par la présentation des produits sous forme de mousses, de laits fluides, d’émulsions sprayables. En outre, l’association de masquants et de parfums bien choisis a donné de bons résultats. Le détail du parfumage n’étant pas obligatoire dans le listing des ingrédients (à l’exclusion des substances allergisantes inscrites à l’annexe III de la directive cosmétique), le fabricant qui a réussi son mélange détient en quelque sorte un secret de formulation qui représente un avantage par rapport aux concurrents.
Enfin, il a été démontré, après application sur des lambeaux de peau humaine ou de peau de porc, que la DHA se fixait dans les couches supérieures du stratum corneum et que cette fixation était dépendante du type de formulation, les microémulsions L/H, par exemple, favorisant la fixation par rapport aux émulsions L/H.
La conservation des produits à base de DHA a toujours été un point faible. Elle est améliorée considérablement par l’emploi de DHA microencapsulée ou liposomée. L’obligation d’un étiquetage d’une durée minimale (si < 30 mois) ou d’une PAO (période d’utilisation possible après ouverture) a d’ailleurs contraint les fabricants à plus de transparence à ce sujet. On ne devrait plus trouver sur les rayons pendant une ou deux années des produits dont la durée de vie n’était que de deux ou trois mois.
Actuellement, après plusieurs dizaines d’années d’essais, les formulateurs semblent avoir résolu tous les problèmes. Ils proposent des produits à coloration rapide (2 heures ou moins), à odeur agréable permanente, utilisant des textures faciles à étendre uniformément (émulsions sprayables, mousses).
On sait depuis longtemps que les mélanoïdines n’ont pas les mêmes propriétés de protection que la mélanine vis-à-vis des radiations solaires. Plusieurs études récentes l’ont encore confirmé. Des préparations contenant 3 % de DHA ne fourniraient qu’un facteur de protection solaire (FPS) de 3 .
L’addition d’une naphtoquinone, la lawsone, permettrait dans ce cas d’amener le FSP à 18. De plus, une formulation contenant 20 % de DHA appliquée deux fois sur trois zones de l’avant-bras a également fourni un FSP de 3 à j1, j2, j5 s’abaissant à 1,7 à j7 , ce qui prouve que la concentration en DHA n’intervient pas dans la photoprotection. Il est donc impératif d’adjoindre à la DHA des filtres solaires dans les produits revendiquant un bronzage et donc utilisés pendant des périodes de fort ensoleillement. Il y a lieu dans ce cas d’éviter les molécules contenant des fonctions amines ou susceptibles d’en générer. Il faut souligner également que les oxydes métalliques (oxydes de titane, de zinc, de fer) sont à exclure car ils dégradent rapidement la DHA.

 Tolerance


La DHA seule nfa pour l'instant pas donne lieu a une reaction d'intolerance cutanee quelconque alors qu'elle est utilisee depuis plus de 40 ans. De tres rares reactions de sensibilisation ont cependant ete relatees . La penetration de la DHA dans la peau (peau humaine et peau de rat), mesuree in vitro sur cellules de diffusion, correspond a environ 22 % de la dose appliquee fixee dans le stratum corneum et les tissus vivants, la quantite retrouvee dans le liquide récepteur après 24 heures et même 72 heures étant négligeable . Ce pourcentage représente une capacité de pénétration relativement importante, capable éventuellement de perturber le métabolisme des cellules épidermiques et dermiques.
En effet, la glycation impliquée dans la réaction de Maillard peut s’appliquer à d’autres molécules que les acides aminés de la peau, en particulier aux groupements aminés libres des acides nucléiques. C’est ce qu’a pu mettre en évidence (test des comètes) une équipe danoise sur des lignées de kératinocytes HaCaT, en culture avec des doses de DHA allant de 5 à 50 mmol. Une préincubation avec des antioxydants éviterait la rupture des chaînes d’acide désoxyribonucléique (ADN). Sur la foi de cette publication, la DHA serait plus ou moins suspectée d’être génotoxique. Évidemment, cette hypothèse demande confirmation .
En outre, il a été mis en évidence par spectroscopie de résonance d’électron (ESR) que la réaction de Maillard, au cours du réarrangement d’Amadori, peut générer des radicaux libres au cours d’une irradiation UV. Une peau ayant reçu de la dihydroxyacétone est le siège d’une augmentation de 180 % des radicaux libres par rapport à une peau non traitée.



■ Législation


La DHA est libre de toute limite de concentration ou d’utilisation en Europe. Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a admis la DHA comme colorant (21 CFR § 73.2150) pour l’usage externe seulement dans les médicaments et les cosmétiques destinés à fournir une coloration à la peau. Le Japon classe la DHA comme ingrédient cosmétique.



■ Utilisation


Il est préférable d’appliquer un produit peu concentré quotidiennement pendant plusieurs jours plutôt qu’une formule très concentrée (certains produits peuvent contenir jusqu’à 7,5 % de DHA) en une seule fois ; la coloration développée est plus uniforme et demeure plus longtemps en se renouvelant chaque jour. Une application unique n’est valable que pour l’obtention d’une coloration presque immédiate (en 2 à 6 heures) pour une soirée par exemple.
La DHA est utilisée en crème, mousse ou spray pour le visage, le décolleté, les jambes et les bras. Elle peut être appliquée sur corps entier dans les instituts d’esthétique. Elle est alors présentée sous forme d’émulsions très fluides pulvérisées à l’aide d’un aérographe (ou airbrush) comme une peinture.



“ Point important



Ne pas confondre mélanines et mélanoïdines. Les premières sont des pigments polymériques naturels épidermiques résultant de la transformation de la tyrosine au cours de la mélanogenèse. Les secondes sont des pigments polymériques artificiels qui intéressent seulement la couche cornée et qui résultent de la combinaison de composés cétoniques ou aldéhydiques avec les acides aminés de la peau.


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