dimanche 9 juin 2013

INTOXICATON TABAGIQUE CHEZ LA FEMME


Introduction:

Véritable problème de santé publique, longtemps considéré comme exclusivement masculin, le tabagisme se conjugue aujourd'hui de manière croissante au féminin. Dans le processus d'émancipation des femmes, la cigarette symbolise leur liberté ou fait office de moyen d'expression de leurs angoisses ou aspirations contradictoires.

Le tabagisme actif provoque ainsi plus de 66 000 morts par an, dont 10 % de femmes ; nombre qui, compte tenu de la prévalence actuelle du tabagisme des femmes de moins de 59 ans, sera multiplié par dix d'ici 2015. Le tabagisme féminin devrait donc représenter un problème de santé publique prioritaire. L'enjeu de l'amélioration de la qualité des pratiques médicales auprès des femmes réside précisément dans les solutions à trouver pour inverser la dérive du tabagisme féminin. La prévention et la prise en charge du tabagisme féminin devraient devenir une priorité pour tous les acteurs médicaux, en particulier pour les gynécologues. Toute consultation d'une fumeuse peut représenter une chance de meilleure santé et de renforcement motivationnel pour stopper la cigarette.
Cette aide médicale devrait être clairement identifiée comme une priorité de santé publique des années à venir. En France, le tabac représente en effet la première cause évitable de mortalité prématurée chez la femme. Les objectifs de santé publique définis par la loi du 9 août 2004 nécessitent le développement de mesures de prévention spécifiques, auquel ce travail peut contribuer.



Épidémiologie, physiopathologie du tabagisme féminin:

Repères historiques et causes de mortalité prématurée chez la femme:
Il n'existe pas d'étude historique consacrée au sujet « les femmes et le tabac » : cette histoire commence avec celle de la garçonne, figure emblématique de l'émancipation des années 1920. George Sand fut la première à proclamer que la modernité allait transformer la différence des sexes et à en faire la preuve par le tabac. Entre les deux guerres, les femmes qui fument ne constituent qu'une minorité. Dans les années 1950 à 1970, avec l'essor de la publicité, la cigarette se répand largement parmi les femmes de tous les milieux sociaux. L'image sociale de la fumeuse demeure actuellement une image positive, associée à la symbolique de l'épanouissement féminin . Aujourd'hui encore, la cigarette demeure pour beaucoup de femmes un symbole de liberté, d'égalité et même d'identité. Le tabagisme féminin peut être envisagé comme une forme moderne de mutilation non autoritaire, compensant l'extension des droits de la femme. Ainsi, selon Sledziewski, pour combattre plus efficacement la cigarette il faudrait lever le tabou de certaines impasses du féminisme.
L'extension du tabagisme féminin au cours des 40 dernières années explique un accroissement de 100 % entre 1990 et 2004 des décès par cancer du poumon chez les femmes de moins de 65 ans. Saluons ici le Plan cancer 2003-2007 du gouvernement, qui a consacré à la lutte contre le tabac neuf de ses 70 mesures pour être pleinement efficaces. Les efforts engagés devraient être poursuivis dans la durée pour faire reculer le principal facteur de risque reconnu de pathologie et de mortalité prématurées : un certain nombre de femmes fumeuses paient leur émancipation en mourant prématurément de cancers ou d'accidents vasculaires liés au tabac. Le pic du tabagisme féminin atteint en France dans les années 1990, 20 ans après les États-Unis ou le Royaume-Uni, entraînera, avec le même décalage, les conséquences délétères déjà observées dans ces pays, où les femmes meurent déjà plus souvent et plus précocement d'un cancer du poumon que d'un cancer du sein .
Le tabac est la principale cause évitable de cancer. La mortalité par cancer du poumon est devenue la deuxième cause de mortalité par cancer chez la femme en France. On a estimé que le coût social du tabac approche les 48 milliards d'euros pour l'année 2000, soit 3,05 % du produit intérieur brut (PIB). La prévalence du tabagisme chez les femmes, variable en fonction de l'âge, est la plus importante entre 18 et 24 ans (46 %), contre 40 % entre 25 et 34 ans . L'analyse épidémiologique doit tenir compte de cet effet cohorte avec un pourcentage de fumeuses ne descendant pas au-dessous de 27 % pendant toute la période de fécondité.
Le rapport de l'International Agency for Research on Cancer (IARC) de 2008 confirme qu'en France le tabac représente chez les femmes 10 % des décès par cancer (contre 33,5 % chez les hommes). Quoique l'impact de maladies respiratoires chroniques liées au tabac soit considérable, tant sur le plan, individuel, de la qualité de vie que, collectif, du déficit de la Sécurité sociale, il ne peut pas être développé ici.
En moyenne, la durée de vie des fumeuses est inférieure de 10 ans par rapport aux non-fumeuses . Une enquête récente réalisée avec l'ensemble des étudiants (3 463) des 35 écoles de sages-femmes en France démontre que la profession médicale la plus féminine (92 % des futurs sages-femmes) compte encore des taux de tabagisme, certes en réduction, mais encore élevés : 31 % avec 14 % de fumeurs quotidiens et 17 % d'occasionnels .


Mode, image de la femme et marketing des cigarettiers:

Parler d'aliénation de la cigarette, alors qu'elle est devenue objet culte et symbolique de libération de la femme, rend suspect de sexisme. Avec la cigarette, la société développée enjoint aux adolescentes et aux femmes de s'automutiler, c'est-à-dire de sacrifier elles-mêmes leur féminité en contrepartie de ce sacrifice. Le marketing de la cigarette, sex-symbol ou marqueur de bien-être social, a survalorisé l'image de la femme qui fume. Cette image devient en effet, dans l'imaginaire individuel et collectif, le reflet du fonctionnement social normal et de la représentation du corps idéal de la femme. Or, les injonctions à ressembler à cette image ont des conséquences délétères méconnues sur l'estime de soi de certaines femmes . Mal dans leur peau, actuellement 60 % des adolescentes se déclarent trop grosses et seulement 20 % se sentent bien dans leur corps. Cet abaissement de l'estime de soi observé chez elles vient moins des modifications réelles de leur apparence physique que du regard qu'elles portent sur elles-mêmes. Or, leur regard dépend largement des pressions de l'environnement social et de l'image du corps féminin idéalisé par la cigarette. C'est l'écart que l'adolescente perçoit entre ce qu'elle pense être et ce qu'elle pense devoir être qui détruit son estime d'elle-même. Les conflits d'image associés aux changements physiques sont cause de souffrance psychique ou de vulnérabilité émotionnelle. Le marketing conduit à dénormaliser la physiologie féminine et ses rondeurs pour faire voir et penser la minceur, ou même la maigreur, comme norme sociale. Les conséquences délétères de ce conditionnement psychosocial sont d'autant plus grandes que l'intéressée vit des conditions personnelles socioéconomiques ou psychoaffectives difficiles.
Le marketing des cigarettiers continue de cibler les adolescentes et les femmes en assurant la promotion de mannequins et de stars comme autant de puissants modèles identificatoires de réussite sociale et d'émancipation. En 2008, près de 50 % des fumeuses âgées de 13 ans fument des cigarettes Pink, au goût sucré et vendues dans des paquets de couleur rose identique à celle de la Panthère rose de la bande dessinée. Or cette bande dessinée emblématique a été rediffusée récemment à la télévision avec sur le générique une panthère rose avec son porte-cigarette, bien sûr anodin pour l'imaginaire. Les effets perturbateurs induits vont de l'altération de l'estime de soi ou de l'image corporelle aux comportements de consommation à risques tabac, cannabis ou ivresses accrues et aux troubles des conduites alimentaires. L'inscription de ces comportements dès la période pubertaire comporte des risques psychosociaux spécifiques chez les filles et les professionnels de santé qu'elles deviendront (infirmières, puéricultrices, psychologues, auxiliaires-puéricultrices, aides-soignantes, gynécologues, pharmaciennes, sages-femmes). Ainsi, pour les adolescentes à l'orée de la crise identitaire pubertaire entre collège et lycée, la cigarette représente la porte habituelle d'entrée dans la consommation des produits toxiques. Actuellement, 32 % des filles âgées de 17 ans fument, d'après l'enquête ESCAPADE. Seule une stratégie globale de promotion de la santé dans les lycées et collèges intégrant l'effet starter et renforçateur de la cigarette pour les produits illicites peut corriger la dérive. Ce sont en effet les fumeuses qui ont le plus de risques de devenir consommatrices de cannabis.
Les adolescentes qui ont une faible estime d'elle-même ou des conditions socioéconomiques défavorisées ont un risque plus élevé d'addictions (tabac, cannabis, alcool) et aussi d'échec contraceptif ou d'interruption volontaire de grossesse (IVG). C'est pourquoi plus la prévention du tabagisme commence tôt et développe chez les jeunes leurs capacités de jugement et de refus d'être manipulés par l'industrie cigarettière, plus elle sera efficace. Les gynécologues, les médecins scolaires les sages-femmes que rencontrent les adolescentes peuvent y contribuer, car les adolescentes leur font confiance. Chaque consultation de demande de contraception est une opportunité d'informer sur les risques de la cigarette et de conseiller le numéro de Tabac-info-service.
L'apprentissage social repose sur le principe d'« imitation de modèles » dans la relation à l'autre. Les schémas cognitifs acquis dans l'enfance guident les attitudes et les relations aux autres.


Nicotine et dépendance chez la femme:

La cigarette induit une dépendance dont la nicotine est la responsable. Les mécanismes comportementaux et pharmacologiques de cette dépendance sont identiques à ceux de toute toxicomanie.
Un test simple à réaliser en pratique pour évaluer la dépendance tabagique est celui de « Fagerström ».
La dépendance à la cigarette associe de manière complexe trois types de dépendance pharmacologique :
• liée à la nicotine ;
• psychocomportementale, influençant le système de récompense dopaminergique ;
• environnementale ou familiale.
Les stimulations ou signaux déclencheurs jouent un rôle plus important chez la femme que chez l'homme. La nicotine, responsable de la dépendance pharmacologique, est un alcaloïde liquide incolore, volatile et en suspension avec des particules de goudrons dans la fumée de tabac. Son absorption, maximale dès la première bouffée, atteint le cerveau en 5 à 7 secondes, c'est-à-dire deux fois plus vite qu'après injection intraveineuse. Après métabolisme hépatique, la nicotine est éliminée essentiellement par les urines (cf. intra) sous forme de cotinine. Sa demi-vie est relativement courte : 2 à 3 heures. La nicotinémie augmente régulièrement durant les 6 premières heures de consommation régulière, se stabilise en plateau jusqu'à la dernière cigarette, puis décroît rapidement la nuit avec au réveil un taux résiduel très faible. La dépendance est d'autant plus forte qu'après le réveil l'envie de la première cigarette est précoce et la nicotinémie atteinte la veille élevée. Autrement dit, l'intensité du manque ressenti au réveil traduit le mieux le niveau de dépendance. Le manque, qui explique les pulsions à fumer régulièrement pour maintenir une nicotinémie suffisante, traduit le renforcement négatif. Quand une fumeuse réduit son nombre de cigarettes, par exemple en dessous de cinq par jour, elle « tire » alors plus fort sur ses cigarettes afin de supprimer le manque. C'est le phénomène d'autotitration. Le shoot de nicotine entraîne des effets immédiats de stimulation des récepteurs spécifiques du système dopaminergique au niveau de la zone de récompensemésolimbique. C'est l'effet plaisir, ou antistress.
Le dosage de cotinine est parfois utilisé pour adapter la posologie de substitution nicotinique. Le dosage de la cotinine urinaire (chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse) est très sensible, avec un seuil de détection à 10 μg/l (0,05 μmol/l). La cotinine est inférieure à 10 μg/l chez la non-fumeuse. Les valeurs supérieures, jusqu'à 1 000 fois le seuil, définissent le niveau de consommation et donc le niveau de dépendance.


Monoxyde de carbone et autres toxiques de la fumée de tabac:

Près de 4 000 composés différents ont été identifiés dans la fumée de tabac : en plus des gaz liés à la combustion (CO, dioxyde de carbone [CO2], dioxyde d'azote), elle contient de nombreuses substances irritantes : phénols, acides organiques, benzoquinones, butadène, acétaldéhyde, acétone, formaldéhyde, ammoniac. La fumée de tabac contient aussi de nombreux cancérigènes : 2-naphtylamine et 4-aminobiphényl, benzène, chlorure de vinyle, oxyde d'éthylène et des métaux toxiques (arsenic, cadmium et plomb).
Les radicaux libres sont les produits du métabolisme des aldéhydes de la fumée de tabac. Le stress oxydatif est la rupture de l'équilibre entre la production permanente des radicaux libres et la capacité de l'organisme à s'en protéger. Les radicaux libres sont responsables de l'oxydation des lipides, ce qui modifie la perméabilité et la souplesse des membranes cellulaires, à l'origine de l'athérosclérose et des complications vasculaires.
Les goudrons, support de la plupart des cancérigènes de la fumée de tabac, sont les responsables des cancers du poumon. À raison de 20 cigarettes par jour, une fumeuse inhale 250 ml de goudrons en moyenne chaque année.
La fumée est un aérosol fin composé d'une phase gazeuse et d'une phase particulaire : les microparticules. La principale source de toxicité réside dans le CO et les particules en suspension dans la fumée, qui contient un grand nombre de substances carcinogènes. La phase gazeuse et la phase particulaire du courant secondaire contiennent davantage de substances toxiques (CO, oxyde d'azote [NO]) et cancérogènes (goudron, benzène) que celles du courant principal.
Le CO, gaz inodore, incolore, produit lors de toute combustion incomplète, est le toxique le plus dangereux parmi plusieurs milliers que contient la fumée de cigarette, de joint ou de narguilé. En se fixant sur l'hémoglobine avec une affinité 230 fois supérieure à celle de l'oxygène, pour donner la carboxyhémoglobine (HbCO), il est responsable de l'hypoxie et donc des accidents reliés à cette hypoxie. Le CO, responsable aussi d'intoxications chroniques souvent méconnues, peut, en cas de tabagisme actif et/ou passif, être évalué dans l'air expiré (cf. infra). La toxicité est d'autant plus élevée que la concentration en CO et la durée de son exposition sont grandes. Au-delà de 5 % de HbCO, le CO se fixe aussi sur la myoglobine ou les enzymes cellulaires de l'oxyréduction (cytochrome-oxydases, peroxydases), bloquant ainsi l'oxygénation musculaire ou tissulaire. Le CO est oxydé dans les tissus musculaires en gaz carbonique (CO2).


Coaddictions : cannabis, chicha, alcool:

Cannabis:
Entrés plus tôt en sexualité que leurs homologues de 39 autres pays, les élèves français (étude Health Behaviour in School-aged Children [HBSC]) sont aussi parmi les plus grands consommateurs de cannabis : à 15 ans, 27 % (21 % en 2002) ont eu des rapports sexuels, au lieu de 22,6 % dans les 39 autres pays, avec seulement 13,5 % à avoir une activité physique quotidienne.
En 2000, la prévalence du tabagisme chez les jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans est devenue très importante (46 %). Ce sont précisément celles qui sont en âge de procréer qui fument le plus, selon la British Medical Association (2004). Cette évolution du tabagisme chez les filles s'accompagne chez celles-ci de l'augmentation des conduites d'alcoolisation (5 unités ou plus/semaine) et 7 % fument régulièrement des joints. En 2002, selon l'étude Escapade, à 18 ans 34 % des filles fument tous les jours, environ 10 % sont polyconsommatrices régulières de cigarettes et d'alcool et/ou de cannabis.
Concernant le cannabis, celui-ci est consommé par 39 % des étudiants sages-femmes, plus d'une fois par semaine par 7 %. Les étudiants consommateurs de cannabis sont dans 14 % des cas aussi des fumeurs ou ex-fumeurs de tabac. La chicha est consommée par 42 % des étudiants, plus d'une fois par mois par 20 % d'entre eux.
Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), en 2007, à l'âge de 17 ans 6 % des filles étaient fumeuses régulières de cannabis. La banalisation sociale du cannabis et ses effets psychotropes euphorisants, rapides (en moins de 20 minutes) et prolongés (une à deux heures) donnent le sentiment à beaucoup de femmes que fumer un joint est anodin, voire moins dangereux que la cigarette. Ce déni de dangerosité explique l'effondrement des capacités d'apprentissage, les accidents de la route, le désinvestissement psychosocial ou affectif des lycéens consommateurs réguliers. Très répandu chez les adolescents et les jeunes étudiants, le cannabis est fumé sous forme de joints en mélangeant de la résine de cannabis à du tabac ou plus rarement seul, sous forme de marijuana. Ses effets sont dus à son principe actif, le tétrahydrocannabinol (THC). Un joint de cannabis produisant autant de CO et de goudrons que trois à six cigarettes, il doit être considéré sur le plan somatique comme 3 à 6 fois plus dangereux que le tabac.
Dans la cartographie européenne contrastée de la consommation de cannabis, c'est la France, avec le Royaume-Uni et l'Espagne, qui présente actuellement les niveaux les plus élevés d'écart entre les consommations féminines et masculines à risque (tabac, cannabis, alcool) : ainsi, le cannabis est devenu en quelques décennies la troisième substance psychoactive utilisée par les adolescentes françaises, avec l'initiation à 15 ans en période prépubertaire, avec des effets délétères respiratoires parfois à court terme et en même temps que l'initiation à la cigarette, avec son risque de dépendance d'autant plus forte que celle-ci est précoce ou associée aux ivresses alcooliques (binge drinking). C'est en effet parmi les fumeuses journalières que l'âge d'expérimentation de l'alcool et du cannabis est le plus bas.


Chicha : une nouvelle façon de fumer le tabac:

Depuis 10 ans, en France, se développe chez les adolescentes l'usage de la chicha, ou narguilé, ou pipe à eau (Figure 3). Avec la diversification des produits fumés, la chicha est devenu très populaire. En 2007, près d'une fille sur deux âgée de 16 ans a déjà fumé la chicha. La plupart des jeunes qui fument la chicha n'ont aucune intention de l'arrêter. Le coût moindre, le côté « branché » ou « écologique » (filtrage par l'eau, tabac aromatisé ou au goût sucré) et la mode ou la recherche de convivialité influencent fortement le choix des adolescents et expliquent le succès fulgurant de la chicha. Cette mode du narguilé s'installe en France sur la dénormalisation de la cigarette, avec les décrets sur l'interdiction de fumer. La fumée refroidie par l'eau est toxique, notamment en raison du taux de CO le plus élevé de toutes les façons de fumer. À chaque bouffée, la fumeuse de chicha inhale 1 à 2 l de fumée, soit 100 à 200 ml de CO. En fumant une chicha, la consommatrice inhale autant de fumée qu'avec 30 à 100 cigarettes : le volume d'une bouffée de chicha est 20 fois supérieur à celui d'une bouffée de cigarette.


Alcool:

Les filles qui fument ont des comportements à risque qui se rapprochent de ceux des garçons. Le facteur de risque le plus élevé associé à la cigarette est la consommation d'alcool pour les adolescents. Les facteurs associés aux rapports sexuels précoces sont les ivresses répétées et la consommation de cannabis. Les consommatrices d'alcool ont jusqu'à 39 fois plus de risque de fumer que les non-consommatrices. Étant donné que les adolescentes fumeuses ont le plus de risque d'adopter des conduites de consommation à risque, les parents, les enseignants et les préventologues devraient focaliser leurs efforts sur la prévention du tabagisme.
Rappelons que ce sont les fumeuses qui manifestent le plus et le plus souvent les comportements à risque les plus graves ou les plus fréquents. Selon Guilbert et al.les 15-24 ans fumeuses sont trois fois plus susceptibles d'être des consommatrices régulières d'alcool et huit fois plus du cannabis que les non-fumeuses. Ainsi, la cigarette devient pour les adolescentes la porte d'entrée dans la consommation ou la dépendance des autres substances psychoactives, avec leurs risques propres (échecs scolaires et troubles psychiques pour le cannabis, violences et accidents pour l'alcool).


Parodontite et halitose:

La mauvaise haleine, ou halitose, est la manifestation la plus fréquente de la parodontite, la plupart du temps d'origine bactérienne (germes surtout anaérobies responsables avec la lyse cellulaire de la production d'amines aromatiques, type putrescine). Le diagnostic de la parodontite est facilement réalisé avant l'examen gynécologique par l'examen buccodentaire, qui peut d'ailleurs être facilité en utilisant le coloscope. Ce diagnostic invite non seulement à conseiller la consultation auprès du chirurgien dentiste, mais aussi à rappeler les conditions d'hygiène buccale renforcée (brossage des dents après chaque repas), ainsi qu'une aide médicale pour la prise en charge du tabac. Le tabagisme est le principal facteur étiopathogénique et méconnaître son existence, c'est prendre le risque d'échecs thérapeutiques sur le plan odontologique. Même le tabagisme passif a des effets négatifs sur la santé parodontale.


Effets dermatocosmétiques, piercings, acné, lupus, psoriasis:

L'engouement pour les piercings et tatouages s'inscrit dans la mouvance de certains modes de vie, avec souvent des consommations à risque : tabac, alcool, cannabis ; jusqu'à 21,3 % de perçages sont observés chez les fumeuses en Sardaigne. En France, le nombre des perçages est estimé à 100 000 par an. Les piercings sont aussi les indicateurs d'autres comportements à risque : précocité des rapports sexuels , partenaires sexuels multiples, pratiques sexuelles à risques, drogues illicites. Le perçage de l'une ou des deux grandes lèvres ou du clitoris augmente le risque infectieux. Cette localisation, au-delà du risque accru, d'instrumentalisation du corps féminin, augmente beaucoup le risque d'infections sexuellement transmissibles (IST). Les adolescentes, notamment dans les établissements d'enseignement, devraient en être informées par le service de médecine scolaire ou l'infirmière. Les risques d'infection ou de séquelles esthétiques devraient aussi faire éviter les piercings au niveau de la langue ou des mamelons, en particulier chez les fumeuses. Actuellement, contrairement au Royaume-Uni, les piercings ne sont pas encore interdits en France ; cependant dans le cas de complications, ceux qui les pratiquent peuvent être sanctionnés, soit au titre de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (articles 222-9 et 222-10 du Code pénal), soit au titre d'exercice illégal de la médecine si le perceur a prescrit des antibiotiques ou des anti-inflammatoires ou utilise des anesthésiques (article 4161-1 du Code de la Santé publique). Le look « MOPST » (minceur, ombilic, piercings, string, tatouage) et les conduites d'alcoolisation sont reliés aux pratiques sexuelles à risque et à l'usage des drogues illicites . Les piercings et tatouages comportent, d'autre part, des risques infectieux spécifiques, bactériens (staphylocoques, streptocoques, pyocyaniques), mais aussi viraux (virus de l'immunodéficience humaine [VIH], virus de l'hépatite B [VHB] ou virus de l'hépatite C [VHC]). Ces infections sont des complications ou des contre-indications que tout médecin devrait toujours rappeler. Au demeurant, la nouvelle réglementation (décret du 19 février 2008 et du 3 mars 2008) fixe les conditions d'hygiène et de salubrité relatives aux pratiques du tatouage et du perçage, ainsi que les règles de fabrication, de conditionnement et d'importation des produits.


Acné:

L'acné, particulièrement fréquente chez les adolescentes, est constamment aggravée par le tabagisme. Il existe une relation linéaire entre le nombre de cigarettes consommées quotidiennement et la prévalence et la sévérité de l'acné. Le rôle aggravé démontré du tabagisme n'est pas encore bien expliqué [35]. Certes, certains estroprogestatifs de troisième génération, à base de norgestimate Triafemi®et Tricilest®, ayant l'autorisation de mise sur le marché (AMM) « traitement de l'acné et contraceptif », seraient plus efficaces sur l'acné si leurs utilisatrices ne fument pas ou arrêtent de fumer. Par ailleurs, en raison de leur effet androgénique, les microprogestatifs volontiers utilisés en alternative contraceptive orale chez les fumeuses aggravent l'acné. Éviter ou arrêter le tabac pour une femme, c'est arrêter l'accélération du vieillissement de sa peau : cet argument pourrait être davantage utilisé pour sensibiliser les jeunes fumeuses à arrêter de fumer et renforcer leur sentiment d'efficacité vis-à-vis de leur capital santé.


Lupus:

La méta-analyse de Costenbader (2004) montre que le tabac est un facteur de risque et d'aggravation du lupus érythémateux disséminé (LED) (odds ratio [OR] : 1,5, IC 95 % : 1,09-2,08).


Psoriasis:

Le tabac est aussi un facteur de risque et d'aggravation du psoriasis (prévalence d'environ 2 %). La cigarette, en aggravant l'atteinte de l'image corporelle, aggrave la souffrance psychique. En cas de traitement par rétinoïdes, la contraception impérative doit être poursuivie pendant deux ans après l'arrêt, en cas de traitement par méthotrexate un mois après l'arrêt.


Hydradénite, abcès périaréolaires:

Le tabagisme favorise l'occlusion des follicules sébacés en stimulant les métalloprotéases. Par ce biais, il augmente le risque d'infections cutanées (folliculite, acné conglobata, suppuration folliculaire, kyste pilonidal). Ce risque devrait être plus souvent porté à la connaissance des fumeuses, en demande de pilule contraceptive antiacnéique ou non. L'hydradénite suppurée, caractérisée par des nodules érythémateux ou des abcès douloureux au niveau des plis axillaires ou inguinaux, est fortement corrélée au tabagisme et à la maladie de Crohn. Depuis plus de 15 ans le rôle du tabac dans la survenue d'abcès péri-aréolaires est connu.


Maladie de Crohn:

Chez la femme, la cigarette multiplie par deux le risque de maladie de Crohn : risque de poussées et de complications (abcès ou fistules), d'intervention chirurgicale ou de récidive postopératoire. L'effet bénéfique du sevrage survient dès la première année, comparable à celui d'un traitement immunosuppresseur. La maladie de Crohn (2,8 à 5,7 cas pour 100 000, soit environ 60 000 personnes en France) affecte la qualité de vie, tant sur le plan physique que psychosocial. Or, la loi relative à la politique de santé publique prévoit de réduire le retentissement des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) sur la qualité de vie des personnes atteintes. En cas de maladie déclarée, le tabac en aggrave l'évolution : risque de poussées et de récidives postchirurgicales augmenté de plus de 50 %. À l'inverse, l'arrêt du tabac réduit les risques de poussées et le taux de réintervention (RR = 0,25, IC 95 % : 0,15-0,41).


Infection VIH et tabac:

Il existe une association entre le tabagisme et la séropositivité des femmes exposées. L'augmentation de la susceptibilité à l'infection VIH chez les femmes fumeuses demande à être vérifiée. Elle a été argumentée, notamment, par une étude longitudinale menée en Haïti (OR : 3,4), indépendante des autres facteurs de risque.


Violences conjugales et tabac:

Parmi les violences faites aux femmes, les violences conjugales sont les formes les plus fréquentes et les plus insidieuses. Même les violences physiques ou sexuelles, qui ne s'accompagnent pas toujours de lésions visibles, sont souvent méconnues des professionnels. Or, il existe une corrélation forte entre violences par le partenaire intime et abus de substances : les femmes victimes fument plus, boivent plus d'alcool et se droguent davantage. Elles sont moins aptes à arrêter de fumer ou à limiter leur consommation d'alcool ou de drogues. Plus la violence est sévère, plus le pourcentage de fumeuses est important.


Pathologies ou cancers urogynécologiques et tabac:



Vaginose bactérienne:

Le tabagisme augmente le risque de vaginose bactérienne (RR : 1,79 ; IC 95 % : 1,08-2,98).


Troubles menstruels:

Motif fréquent de consultation gynécologique, les troubles des règles (spotting, ménorragies, spanioménorrhée) sont plus fréquents chez les fumeuses, en particulier chez celles porteuses d'un dispositif intra-utérin, mais aussi sous pilule contraceptive. Ces troubles fonctionnels ont un retentissement négatif sur la vie personnelle et sociale, à la mesure de la valeur symbolique des règles. Les troubles menstruels sont aussi plus fréquents, les algies pelviennes, en relation ou non avec des varices pelviennes et le syndrome prémenstruel, sont également plus fréquents chez les fumeuses maigres (indice de masse corporelle [IMC] inférieur à 18,5). L'effet antiestrogénique du tabac (inhibition de l'aromatase, activation de la catalase, diminution de l'E2) explique, au moins partiellement, ces troubles fonctionnels.


Mastodynies:

Cet effet explique aussi les mastodynies prémenstruelles et les anomalies de perception cinesthétique des seins, plus fréquentes chez les fumeuses (RR : 1,52). Pour les fumeuses qui souffrent de mastodynies sévères, le sevrage tabagique (cf. infra) est indiqué avec l'aide adaptée nécessaire, en même temps qu'une contraception progestative discontinue (21 jours par mois) pendant 3 à 6 mois ; ultérieurement, une pilule estroprogestative (PEP) normodosée à climat progestatif dominant (Planor®, Miniphase®, Adepal®), ou des pilules minidosées à moins de 20 μg d'éthinylestradiol (EE) ou une pilule à base de drospirénone (Jasminelle®), pour son effet antirétention hydrique, pourront être proposées.


Incontinence urinaire d'effort, prolapsus et tabac:

Fumer augmente le risque d'incontinence urinaire sévère chez les femmes de 34 % (Nurses Health Study). Or, le retentissement de l'incontinence urinaire sur la qualité de vie des femmes varie avec l'intensité du trouble. L'incontinence urinaire d'effort, plus fréquente chez la fumeuse, en raison de l'action directe de la toux sur la pression vésicale, en dépit même de l'existence d'un sphincter urétral plus puissant, s'aggrave à la ménopause, même si un traitement hormonal est suivi. L'obésité multiplie par trois ce risque. En fonction de ces constats, un des leviers de la prévention de l'incontinence urinaire d'effort (IUE) ou de l'amélioration des résultats du traitement chirurgical passe par le sevrage tabagique et/ou la réduction de l'IMC, puisque l'objectif retenu par la loi de santé publique est de réduire chez les femmes la fréquence et les conséquences de l'incontinence urinaire. Les stratégies de prévention comprennent l'accès à une rééducation périnéale dans les suites de l'accouchement, ainsi que l'accès au dépistage des troubles de la statique pelvienne et à la rééducation sphinctérienne au moment de la ménopause (selon la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation statistique [DRESS]).
Qu'il y ait eu traumatisme obstétrical ou non, les fuites urinaires sont multifactorielles : carence estrogénique, hypermobilité urétrale due à une perte de tonus des tissus de soutènement vaginaux, contractions anarchiques de la vessie « stressée » ou infectée, tabac. Ce dernier favorise aussi les fuites à l'effort directement par la toux, véritable test d'effort à répétition, responsable de l'augmentation de la pression de l'enceinte manométrique abdominale et de la sur-sollicitation des structures de soutien pelvipérinéal et des troubles de la statique pelvipérinéale. Boudet-Vidal, sur une population de 40 femmes âgées de 25 à 55 ans, réparties en deux groupes (fumeuses versus non-fumeuses), démontre que le tabagisme réduit les qualités de la sangle périnéoabdominale et majore le risque d'IUE, comme celui du prolapsus.
La prévalence de l'incontinence urinaire qui augmente avec l'âge est comprise entre 12 % à 25 % (voire jusqu'à 40 % pour certains auteurs). Elle touche 20 % à 35 % des femmes de moins de 30 ans ou des nullipares et le pic de la prévalence se situent entre 30 % et 57 % vers 45-50 ans. L'incidence d'une forme de prolapsus quelle qu'elle soit est de 30,8 %. La gravité augmente avec l'âge : le maximum de stades 1 entre 30 ans et 39 ans, de stades 2 entre 50 et 59 ans, et 21 % des stades 3 après 70 ans.


Cancer du sein:

Cancer le plus fréquent, avec 49 814 nouveaux cas en 2005, le cancer du sein est la première cause de mortalité féminine par cancer en France . Son incidence progresse de plus de 2 % en moyenne par an depuis les années 1980. Certains considèrent que l'augmentation de la prévalence est liée à la plus grande sensibilité de la mammographie capable de détecter des tumeurs de quelques millimètres dont beaucoup, peu évolutives, n'auraient pas été à l'origine de cancers cliniques .
L'augmentation de la prévalence du cancer du sein depuis 30 ans, qui touche en France près de 50 000 femmes chaque année, fait de celui-ci le premier cancer féminin en termes d'incidence et de mortalité . Une méta-analyse montre un risque global augmenté : RR : 1,27  en cas de tabagisme passif et RR : 1,68 pour les cancers préménopausiques .
Il existe un sous-groupe de femmes génétiquement défini (gène codant pour la N-acétyltransferase) avec un RR de 3,9 . Il existe aussi un risque accru de cancer préménopausique en cas de tabagisme avant une première grossesse, uniquement si le tabac a été initié en période pubertaire (RR : 1,69 ) et un risque augmenté parmi les nullipares fumant plus de 20 cigarettes par jour (RR : 7,08). Le risque accru est confirmé en cas de tabagisme initié à la puberté et poursuivi plus de 20 ans.
Les facteurs de risque modulables du cancer du sein sont les traitements hormonaux de substitution (THS) et les pratiques cliniques. Des habitudes de vie préventives peuvent être conseillées : arrêt du tabac, alimentation équilibrée et réduite en alcool, sucres rapides ou graisses saturées, activité physique régulière, normalisation de l'IMC.
Le tabagisme actif augmente le risque : RR global de 1,47 pour les cancers préménopausiques ; le tabagisme suivant la puberté et avant la première grossesse augmente davantage le risque : RR : 1,69 dans les 5 ans, mais c'est chez les fumeuses nullipares que le RR moyen est le plus augmenté et voisin de 7.
Le seul tabagisme passif est un facteur de risque du cancer du sein préménopausique, avec un RR de 1,41, selon la méta-analyse de Kudder et Simon et un risque de 2,9 pour les femmes non fumeuses, mais exposées à au moins 35 ans de tabagisme passif par rapport aux non exposées . D'autre part, par rapport aux non-fumeuses, le risque de métastases pulmonaires est augmenté par le tabagisme, avec un RR de 1,96. Le tabac augmente globalement le risque du cancer du sein, mais la part du tabagisme actif et celle du tabagisme passif devrait être objectivée pour mieux en suivre les impacts épidémiologiques et en comprendre les effets carcinogènes et les effets antiestrogéniques. Malgré la difficulté de le définir (tabagisme in utero, conjoint fumeur, lieu de travail, durant l'enfance ou la période pubertaire), le tabagisme passif augmente le risque de cancer du sein. Le tabagisme augmente d'autant plus le risque de cancer du sein préménopausique qu'il est débuté tôt ou que la durée d'exposition est longue. L'alcool potentialise l'effet cancérigène du tabac vis-à-vis du sein . La protéine P53 et le cytochrome P450 joueraient un rôle dans l'activation des carcinogènes.
Le tabac avant la première grossesse entraîne des effets délétères majorés. Le lien entre tabac et maladies du sein, maladie fibrokystique ou cancer, s'expliquent par la compétition entre les effets délétères contradictoires antiestrogène et carcinogène .
En résumé, le tabagisme est un facteur de risque de cancer du sein d'autant plus significatif qu'il est initié tôt ou concerne des femmes à risque génétique. Ainsi, la prise en charge et la prévention du tabagisme féminin peut représenter un élément important de la prévention primaire du cancer du sein, tout comme celle du cancer du poumon.


Cancer du col de l'utérus:

La loi de santé publique se donne pour objectif de poursuivre la baisse de l'incidence (11,2 cas pour 100 000 femmes en 2000) de 2,5 % par an, notamment par l'atteinte de taux de couverture du dépistage de 80 % pour les femmes de 25 à 65 ans et l'utilisation du testhuman papilloma virus (HPV). Une meilleure couverture du dépistage par frottis cervico-utérin (FCU) pourrait permettre de diminuer encore cette incidence. En effet, des disparités sont constatées dans la pratique du dépistage selon l'âge et la catégorie socioprofessionnelle des femmes.
Le tabac augmente le risque de cancer du col (RR compris entre 1,5 et 5,9 selon les auteurs) , par son action cancérigène et immunosuppressive au niveau du col avec facilitation des infections à HPV à l'origine de dysplasies cervicales de haut grade.
Une méta-analyse de 23 études, publiée en 2006, portant sur 13 541 femmes ayant un cancer du col utérin et 23 017 femmes indemnes de ce cancer, a confirmé une augmentation du risque de 50 % (RR : 1,50 ; IC : 1,35-1,66).
Les fumeuses sont deux fois plus souvent infectées par HPV 16 que les non-fumeuses.


Cancer de l'ovaire:

Le tabagisme est associé à une augmentation globale du risque de cancer ovarien : RR : 2,02 ; IC 95 % : 1,15-3,55 ; prévalence des cancers mucineux invasifs RR : 1,8 ; IC 95 % : 1,2-2,9. Ce risque de tumeur mucineuse bénigne est plus élevé (RR : 3,25 ; IC : 1,97-5,34), avec risque proportionnel au degré du tabagisme (RR : 4,38 ; IC : 1,88-10,20) et évidence épidémiologique d'un continuum entre tumeurs mucineuses bénignes,borderline et invasives : (OR : 2,7 ; IC : 1,6-4,4 pour les tumeurs bénignes ; OR : 2,7 ; IC : 1,7-4,4 pour les tumeurs borderline et OR : 2,1 ; IC : 0,9-5,0 pour les cancers invasifs). Le risque de ces trois types de tumeurs est plus que doublé en cas de tabagisme à 20 ou plus paquets-année, comparé à celui des femmes n'ayant jamais fumé. Ce constat suggère qu'une prévention primaire du cancer de l'ovaire par la prévention ou l'arrêt du tabac est possible.


Cancer de la vulve:

Le tabagisme, facteur de risque des cancers vulvaires, est de plus un facteur de mauvais pronostic (diminution de la survie des patientes) . Le tabagisme intervient dans l'étiologie de ces cancers par l'intermédiaire des infections à HPV, qu'il favorise.
Le tabagisme augmente le risque de lésions intraépithéliales de haut grade au niveau du vagin en relation avec des HPV oncogènes.


Cancer de la vessie:

Le tabagisme est le facteur de risque reconnu le plus important des cancers de la vessie chez la femme, responsable d'au moins 50 % de ceux-ci. Les femmes sont plus sensibles que les hommes, avec un RR de 2,7 versus 2,5 . Le RR est fonction du degré de tabagisme (3,8 pour une consommation supérieure à 10 cigarettes par jour), de la durée du tabagisme (RR : 1,9 pour 10 ans et RR : 4,1 pour 40 ans). Cette augmentation du risque n'a pas cessé d'être confirmée ; selon Alberg en 2007 : RR : 2,6 ; IC : 1,7-3,9 ; ou encore : RR : 3,96 ; IC : 3,07-5,09 .
Le tabagisme chez la femme est relié à l'augmentation des risques de parodontite, de troubles menstruels, d'incontinence urinaire d'effort, d'hydradénite, d'abcès aréolaire, de maladie de Crohn, de cancers du sein préménopausique, du col de l'utérus, de l'ovaire, de la vulve, de la vessie.


Contraception et tabagisme féminin:



Les consultations de gynécologie, contraception, dépistage des cancers du col ou du sein, conseil préconceptionnel, représentent les meilleures opportunités pour créer ou renforcer la motivation de sevrage tabagique. Le tabac est le principal facteur de l'augmentation de la mortalité observée sous contraception estroprogestative.

Les fumeuses utilisatrices de pilules ont un taux d'estradiol endogène plus faible que les non-fumeuses. Le tabagisme est facteur de mauvaise observance de la pilule et donc de moindre efficacité contraceptive. Les travaux récents confirment l'augmentation du risque de phlébite sous contraception orale, tant chez les non-fumeuses (RR :4 ; IC : 2,8-5,8) que chez les fumeuses (RR : 5,5 ; IC : 3,6-8,6).



Risque vasculaire, estroprogestatifs et tabac:
Attitude encore marginale en France il y a 30 ans, aujourd'hui fumer est devenu banal, fréquent, pour une adolescente. Ce tabagisme débute tôt dans l'adolescence et persiste plus que chez l'homme à l'âge adulte.
La femme jeune a longtemps été considérée comme non concernée par le risque cardiovasculaire. L'augmentation récente et importante du tabagisme féminin a modifié cette situation. La protection relative liée à son statut hormonal, dont elle bénéficie jusqu'à la ménopause, ne la met pas à l'abri des dangers du tabagisme. Les mécanismes en cause, en particulier le spasme et la thrombose, expliquent la possibilité d'accidents précoces, y compris en l'absence de lésions artérielles visibles.
Le risque du tabagisme féminin vis-à-vis de la maladie coronaire a été bien démontré par la Nurses Health Study, concernant 119 000 infirmières américaines : risque de décès par maladie coronaire multiplié par 5,5 au-delà de 25 cigarettes/jour, risque d'infarctus du myocarde multiplié par 5,8, risque d'accident vasculaire cérébral multiplié par 2,73, après ajustement sur l'âge et les principaux facteurs de risque. Il existe un effet synergique très important de l'association entre tabagisme et autres facteurs de risque : hypertension artérielle (multipliée par 22), hypercholestérolémie (multipliée par 18), diabète (multiplié par 22) et antécédents familiaux coronariens.


Modifications biologiques:

Le tabagisme induit des modifications biologiques, comme l'augmentation du cholestérol, de la glycémie, du nombre et du volume de globules rouges, de l'agrégabilité des plaquettes, responsables en partie de l'augmentation du risque métabolique et vasculaire observé. Le tabagisme est associé à une augmentation des leucocytes circulants et à une élévation de marqueurs de l'inflammation comme la protéine C-réactive (CRP), l'interleukine 6 et le TNF-⍺, impliqués dans l'athérogenèse. Il entraîne aussi une diminution du taux de high density lipoprotein(HDL) cholestérol, dont le taux normalement relativement élevé chez la femme avant la ménopause représente un des éléments de protection naturelle contre l'athérosclérose.
L'atteinte du goût et de l'odorat oriente les fumeuses vers une consommation préférentielle de graisses, au détriment de celle de fruits et de légumes riches en antioxydants, ce qui contribue à une augmentation de la péroxydation du low density lipoprotein (LDL) cholestérol, fortement athérogène. Le tabagisme est enfin un puissant facteur thrombogène : augmentation de l'agrégation plaquettaire et du taux de fibrinogène, du nombre de globules rouges et viscosité sanguine, diminution de l'activité fibrinolytique. Ces mécanismes sont activés pour des niveaux très faibles d'exposition, sans seuil de consommation en dessous duquel il n'y a pas d'augmentation du risque vasculaire.
La nicotine est essentiellement responsable de la dépendance, mais n'intervient ni dans les mécanismes favorisant l'athérogénèse, ni dans les accidents spastiques et thrombotiques. À l'inverse, le rôle des radicaux libres exogènes de la fumée de tabac est déterminant. L'interaction des radicaux libres avec le NO génère du péroxynitrite, qui augmente le « stress oxydatif » à l'origine de pratiquement tous les mécanismes prothrombotiques et proathérogènes (dysfonction endothéliale, inflammation, peroxydation lipidique).
La correction du tabagisme est la mesure qui aurait l'impact le plus important dans la prévention cardiovasculaire. L'objectif est d'obtenir l'arrêt total et définitif de la consommation de tabac le plus tôt possible. Les moyens d'assistance au sevrage tabagique doivent être proposés à toutes les femmes fumeuses, quel que soit leur âge et qu'elles aient déjà présenté ou non des manifestations cardiovasculaires. Pour un maximum d'efficacité, tout doit être mis en oeuvre pour obtenir, parallèlement à l'arrêt du tabagisme la correction de tous les autres facteurs de risque cardiovasculaires. Il est donc capital que tous les médecins, et en particulier les gynécologues et les cardiologues, s'impliquent plus systématiquement dans cette prévention. L'intervention de base est, avec le conseil minimum, la mesure du CO expiré. Au-delà de cette intervention, même si les femmes motivées et les moins dépendantes peuvent réussir un sevrage sans accompagnement spécifique, il est nécessaire de proposer aux autres une aide médicale et un traitement adapté ou d'établir le relais auprès des consultations spécialisées, en particulier pour les femmes les plus dépendantes.
Une des missions prioritaires de prévention est également de diminuer le plus possible l'initiation au tabagisme des adolescentes. Malgré la législation interdisant la publicité pour le tabac en France, cette interdiction est encore volontiers contournée par l'industrie du tabac qui continue de cibler la population féminine à travers la diffusion de produits dérivés ou d'actions promotionnelles illégales envers les jeunes.
La PEP induit, parallèlement au dosage d'éthinyl-estradiol, des modifications biologiques responsables du sur-risque vasculaire : augmentation des triglycérides, du cholestérol HDL, des facteurs de la coagulation, (fibrinogène, prothrombine, facteurs VII et X)
L'arrêt de la cigarette supprime l'excès de risque vasculaire, ce qui n'est pas le cas avec l'arrêt de la pilule et le maintien de la cigarette. Quel que soit leur risque vasculaire, les femmes non fumeuses et utilisatrices de PEP ont un risque vasculaire toujours plus faible que les fumeuses non utilisatrices de pilule. Ce fait majeur devrait représenter le premier argument pour inciter toutes les fumeuses à arrêter de fumer. L'erreur serait de penser que le passage à une contraception (dispositif intra-utérin ou microprogestatifs), sans influence sur le risque vasculaire dispense de recommander l'arrêt du tabac.



Infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral:
Les maladies vasculaires cardiaques et cérébrales représentent chez la femme la première cause de mortalité : 34 % en France, avec les mêmes facteurs de risque que chez l'homme : tabac, hypertension artérielle (HTA), obésité, dyslipidémie, diabète ; et deux facteurs spécifiques iatrogènes : estroprogestatifs et THS . L'accident vasculaire cérébral (AVC) ou infarctus du myocarde inaugural, témoin de l'échec de la prévention primaire, impose la prévention de sa récidive, avec la correction des facteurs de risque vasculaire, au premier rang desquels se trouve le tabac. Parmi les facteurs de risque cardiovasculaire, le tabagisme est celui dont la prévalence a le plus évolué chez la femme au cours de ces trois dernières décennies. Il est devenu le facteur de risque dominant de la femme non ménopausée Tableau 8) et celui vers lequel doivent principalement s'orienter les efforts de prévention cardiovasculaire. Il s'agit donc pour les femmes d'une épidémie grave et évolutive, dont les conséquences vont être redoutables dans les années à venir en l'absence d'actions de prévention spécifiques.
En effet, les risques intrinsèques du tabagisme demeurent et le risque d'accident vasculaire est d'autant plus grand que l'ancienneté et le niveau du tabagisme sont grands.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le risque d'infarctus selon l'âge, le statut tabagique et l'utilisation de la pilule. Le risque d'infarctus relié à l'association tabac-pilule est âge-dépendant : le risque s'élève avec l'âge de la patiente, multiplié jusqu'à 100 après 35 ans.
Dès 1997, l'OMS a confirmé un risque d'infarctus annuel de 0,003 pour mille femmes sous contraception orale avant 35 ans et de 0,03 après 35 ans . Ainsi, les chiffres de l'OMS démontrent que le tabagisme représente le facteur de risque le plus grand : les femmes fumeuses utilisatrices d'estroprogestatifs de synthèse (EPS) voient leur risque d'accident cardiaque multiplié par dix avant 35 ans et par 12 après 35 ans. En cas d'accident vasculaire, on prévient la récidive en arrêtant les estroprogestatifs contraceptifs et en corrigeant les autres facteurs de risque (tabagisme, HTA, hypercholestérolémie, obésité). Les pilules de troisième génération ne dispensent pas du respect des contre-indications classiques. Le risque d'accident vasculaire est multiplié par plus de deux après 35 ans , et par près de 4 chez les fumeuses (RR : 3,65 ; IC : 0,95-13,87).
En l'absence de tabagisme ou d'HTA, il n'y a pas d'augmentation significative du risque d'infarctus avec les pilules faiblement dosées [94]. Les fumeuses ne prenant pas de contraceptifs hormonaux ont un RR d'infarctus multiplié par 7,9 (IC 95% : 4,9-12,9) par rapport aux non fumeuses (risque 30 fois plus élevé chez les fumeuses suivant une contraception estroprogestative).
En présence des facteurs habituels de risque vasculaire (tabac, HTA, obésité, dislipidémies, diabètes) les contre-indications des EPS doivent être rigoureusement respectées. Malheureusement, cette attitude est trop souvent négligée dans la pratique médicale courante.
Parmi les facteurs de risque, le tabac et le manque d'activité physique viennent avant l'HTA, l'obésité, le diabète et l'hypercholestérolémie.
La protection relative liée à son statut hormonal, dont elle bénéficie jusqu'à la ménopause, ne met pas la femme à l'abri des dangers du tabagisme. Les mécanismes en cause, en particulier le spasme et la thrombose, expliquent la possibilité d'accidents précoces, y compris en l'absence de lésions artérielles visibles. Le risque du tabagisme féminin vis-à-vis de la maladie coronaire a été bien démontré par la Nurses Health Study, qui a étudié l'incidence de la maladie coronaire et sa corrélation avec le tabagisme dans une population de 119 000 infirmières ayant de 30 à 55 ans. Le nombre de cigarettes est corrélé avec le risque de décès (RR multiplié par 5,5 pour plus de 25 cigarettes/jour), et le risque d'infarctus du myocarde est multiplié par 5,8. Globalement, le tabagisme est responsable de 50 % des accidents coronaires. Dans cette même étude, le risque d'AVC est augmenté de façon importante (multiplié par 2,73) et proportionnel au nombre de cigarettes. Il existe un effet synergique très important de l'association d'un tabagisme avec les autres facteurs de risque : HTA (multiplié par 22), hypercholestérolémie (multiplié par 18), diabète (multiplié par 2).
En pratique, en fumant, une femme annule la protection dont elle bénéficie naturellement. Le symptôme initial le plus fréquent de cardiopathie ischémique chez les femmes est l'angine de poitrine. Les autres symptômes : nausées, vomissements, indigestion ou douleur dorsale haute sont souvent atypiques. En cas d'infarctus du myocarde chez les fumeuses, les risques de décès, d'arrêt cardiaque ou de choc cardiogénique sont plus fréquents et les taux de succès après angioplastie coronaire transluminale plus faibles. Selon l'Académie nationale de médecine et l'épidémiologie de l'infarctus établie à partir des résultats du Projet Monica entre 35 à 74 ans, les taux d'incidence sont de 54/100 000 femmes, avec un taux de létalité à 28 jours de 20,3 % (période 1997-2002) .
En pratique, il faut recommander l'arrêt du tabac en apportant l'aide adaptée (cf. infra) ou un suivi en consultation de tabacologie et en lien avec le médecin traitant, le cardiologue et le diabétologue ; recommander aussi la réduction pondérale, avec pour objectif un IMC inférieur à 25 kg/m2 et un tour de taille inférieur à 88 cm (alimentation diversifiée riche en fruits, légumes, poissons, réduite en viandes et matières grasses associée à une activité physique régulière (30 minutes de marche rapide ou équivalent/jour ou au moins 3 à 5 fois/semaine), tension artérielle (TA) normalisée inférieure ou égale à 130/80 mmHg, suivi LDL-cholestérol avec un objectif inférieur à 1 g/l et, mieux, vers 0,80 g/l (statine), une glycémie strictement équilibrée : HbA1 glycosylée inférieure à 6,5 %, une glycémie à jeun inférieure à 1,10 mg/l).
Le passage à une contraception sans effet vasculaire (stérilet ou microprogestatifs), ne supprime pas le risque vasculaire, qui persiste ou s'aggrave chez les femmes qui continuent de fumer. La réduction des doses d'éthinylestradiol en dessous de 50 μg réduit, certes, le risque d'accident vasculaire, mais ne le supprime pas, même chez les femmes de moins de 35 ans, en particulier celles qui associent d'autres facteurs de risque vasculaire au premier rang desquels se situe le tabagisme.



Accident vasculaire cérébral (AVC):
Chez les fumeuses, quel que soit leur âge et a fortiori après 35 ans, le risque d'AVC est majoré en fonction du tabagisme et de la dose d'estrogène. Le risque global d'AVC est multiplié par deux en cas de PEP et par cinq en cas de tabagisme. Les AVC de type ischémique (RR : 1,53) et surtout de type thrombophlébite cérébrale (RR de 13 à 22, selon les études) sont majorés par la PEP, alors que le risque d'hémorragie intracérébrale ou sous-arachnoïdienne ne l'est pas . Le risque d'AVC est majoré en fonction de l'âge, du tabagisme, de la dose d'estrogène et de l'HTA. Le tabagisme est la cause principale des AVC chez la femme d'âge moyen (30 à 55 ans) en dehors même de l'utilisation des estroprogestatifs. Le risque d'AVC apparaît dose-dépendant : RR égal à 2,2 pour moins de 15 cigarettes par jour et à 3,7 au-delà de 25 cigarettes par jour. Il est important chez toute femme consultante, même non fumeuse, sous pilule ou THS, de savoir dépister les autres facteurs de risque vasculaire et les signes prémonitoires d'AVC : crises migraineuses aggravées, céphalées fronto-occcipitales avec nausées. Ces signes, qui sont à expliquer, doivent faire contre-indiquer la cigarette en même temps que toute PEP. La méta-analyse effectuée par Gillum, résume les risques relatifs d'AVC selon le dosage d'éthinylestradiol et le tabagisme : RR multiplié par 2,75 (IC 2,24 à 3,38), RR : 1,93 [103].
Le risque d'AVC dépend de la génération du progestatif :
• RR : 1,7 (IC : 0,7-4,4) pour la première génération ;
• RR : 2,4 (IC : 1,6-3,7) pour la deuxième génération ;
• RR :2 (IC : 1,2-3,5) pour la troisième génération.
Le risque d'AVC dépend du dosage d'EE :
• RR : 4,5 (IC : 2,6-7,7) pour les pilules normo dosées ;
• RR : 1,7 (IC : 1,0-3,1) pour 20 μg ;
• RR : 1,6 (IC : 1,3-2,0) pour les pilules dosées à 30 μg-40 μg d'estrogènes.
En cas de migraine [105, 106], les EPS doivent être contre-indiqués, ils sont à remplacer par une contraception progestative implantée (Implanon®), ou sous forme de dispositif intra-utérin (Mirena®). Cependant le changement de type de contraception ne dispense pas d'inciter à l'arrêt du tabac et d'apporter l'aide recommandée. En association avec l'éthinylestradiol, les progestatifs de troisième génération ont un risque thromboembolique plus important que ceux de deuxième génération (lévonorgestrel), de même, l'acétate de cyprotérone. Deux nouvelles voies d'administration existent : Nuvaring® (15 μg d'EE et 120 μg d'étonogestrel par jour) et transdermique, Evra® (20 μg d'EE et 150 μg de norelgestromine par jour). Elles améliorent l'observance, mais leur effet sur le risque vasculaire est identique à la voie orale [107,108]. Depuis plusieurs années, les recommandations ont intégré pour la prévention du risque vasculaire la prise en charge du tabac au même titre que l'HTA, les dyslipidémies ou l'obésité. Cette prévention est encore plus importante en cas d'antécédent d'accident ischémique transitoire cérébral (un tiers récidivant dans les 5 ans) chez les fumeuses ou femmes sous PEP. Un tiers des patientes à risque vasculaire traitées par statines continuent de fumer alors que c'est le tabac qui majore le plus leur risque d'accident.


Hypertension artérielle:

Depuis 2005, les recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) intègrent, pour la prévention du risque vasculaire, la prise en charge de l'HTA comme celle du tabac ou des autres facteurs de risque vasculaire. D'un côté, l'HTA est contre-indiquée en cas de demande de contraception estroprogestative, d'autre part, la PEP figure parmi les causes d'HTA secondaire. Selon la Nurses' Health Study, le risque d'HTA augmente en fonction de la dose d'éthinylestradiol et le risque de complication vasculaire en fonction de l'élévation de la TA et du degré du tabagisme. Pour la prescription de la PEP, les bonnes pratiques justifient un dépistage rigoureux de l'HTA ainsi que des autres facteurs de risque vasculaire (tabac, troubles métaboliques, obésité). En première intention, tabac et PEP sont contre-indiqués en face de tout diagnostic d'HTA. La relation TA/risque d'AVC ou risque vital étant strictement linéaire, l'HTA justifie un dépistage rigoureux : mesure en consultation aux deux bras à la première consultation, au repos en position couchée ou assise depuis plusieurs minutes, puis en orthostatisme, valeurs contrôlées au moins deux fois, à 2 minutes d'intervalle.
Concernant le risque lié à l'HTA, la Société européenne d'hypertension artérielle (ESH) a rappelé qu'il n'y a pas de frontière nette entre normal et pathologique ou entre limites de TA normale (120-129 et/ou 80-84) et de TA normale haute (130-139 et/ou 85-89).
D'autre part, la PEP augmentant le risque d'HTA, le contrôle d'une TA strictement normale est l'un des objectifs du suivi médical des femmes sous pilule. Le tabagisme, premier facteur évitable de risque vasculaire, devrait toujours être évité dans une stratégie de santé publique pleinement assumée par les prescripteurs de contraception médicale. En pratique, chez la femme présentant une HTA, la PEP doit être formellement contre-indiquée. Le maintien du suivi de la contraception orale est le meilleur moyen d'aider les femmes à arrêter la cigarette ou à ne pas la reprendre et à corriger les autres facteurs de risque vasculaire (obésité, diabète, hyperlipidémie). En cas de mastodynies, le recours aux estroprogestatifs à climat progestatif dominant (Planor®, Miniphase®, Adepal®) ou à base de drospirénone (Jasminelle®) n'est possible que si les facteurs de risque vasculaire, dont le tabac, sont maîtrisés.
Selon la commission d'AMM des estroprogestatifs, la prescription doit impérativement s'accompagner de la contre-indication du tabac, ce qui implique donc de prendre en charge le sevrage. L'échelle de l'importance relative des facteurs de risque vasculaire place par ordre décroissant : tabac, âge, hypertension, diabète, hypercholestérolémie, obésité. Cependant, le risque individuel global est déterminé, certes, par le niveau de chacun de ces facteurs, mais surtout par leur association, qui a un effet exponentiel.



Risque métabolique, estroprogestatifs et tabac:
Troubles glucidiques/diabète:
Une étude récente montre une augmentation des anomalies de la glycorégulation parmi les 8 291 victimes d'un infarctus du myocarde (indicateur de risque de prédiabète équivalent à celui de risque vasculaire). Après un infarctus, l'arrêt du tabac, la prévention de la prise de poids ou la réduction de l'IMC, une alimentation de type méditerranéen, diminuent à la fois le risque de diabète et le risque de récidive . Le diabète multiplie le risque cardiovasculaire par 4 et aggrave le pronostic postinfarctus (décès à 1 an : 42 % des femmes contre 24 % des hommes ; décès à 5 ans : 53 % des femmes contre 39 % des hommes) La surmortalité vasculaire féminine est à imputer à l'intensité et à la précocité du tabagisme, plus grandes que chez l'homme : en cas de récidive, à âge égal, le risque de décès la première année est multiplié par quatre chez la femme contre deux chez l'homme.
Dyslipidémie/obésité:
L'obésité ne constitue pas isolément une contre-indication à la PEP, mais, associée à d'autres facteurs de risque comme le tabac, elle augmente beaucoup ce risque, même avant 35 ans. La mesure du périmètre abdominal (à mi-distance entre dernière côte et épine iliaque antérosupérieure) est le meilleur indicateur de l'obésité abdominale, facile à renseigner. Cette mesure a une valeur pronostique péjorative démontrée si elle est supérieure ou égale à 95 cm. La consultation de contraception est un moment privilégié pour rappeler les conseils diététiques.
Syndrome métabolique:
Le syndrome métabolique est défini par trois critères sur cinq parmi les suivants :
• obésité abdominale, soit un tour de taille supérieur à 88 cm ;
• triglycérides supérieurs ou égaux à 1,50 g/l ;
• HDL-C (femme) inférieur à 0,50 g/l ;
• TA supérieure ou égale à 130/85 mmHg ;
• intolérance aux hydrates de carbone :
○ glycémie à jeun entre 110 mg/dl et 126 mg/dl,
○ et/ou à 2 heures de l'hyperglycémie provoquée par voie orale (HPO) : entre 140 mg/dl et 199 mg/dl.
Le syndrome métabolique est une contre-indication absolue à la PEP et au tabac (cf. infra).
Sa prévalence est plus élevée de 60 % chez la femme et l'antécédent de dépression en double le risque.
En France, l'étude Données épidémiologiques sur le syndrome d'insulinorésistance (DESIR) a porté sur près de 2 100 femmes, âgées de 30 à 64 ans. Ce syndrome touche 6,6 % d'entre elles. Le tabagisme n'en diminue pas la prévalence, mais surtout en augmente les risques vasculaire et diabétologique déjà très élevés. L'arrêt du tabac et les mesures hygiénodiététiques doivent être instaurés et sont la principale mesure préventive.


Risque veineux, estroprogestatifs et tabac:

Phlébothrombose et embolie pulmonaire:
Les estroprogestatifs augmentent davantage le risque de phlébite chez les fumeuses (RR : 5,5 ; IC : 3,6-8,6) que chez les non-fumeuses (RR : 4 ; IC : 2,8-5,8), ce qui traduit l'effet synergique du tabagisme et des estroprogestatifs sur le risque de thrombose veineuse . Le risque d'accident thromboembolique augmente avec la contraception estroprogestative (EPS). Ce risque, plus important la première année d'utilisation (RR : 7,0 ; IC 95 : 5,1-9,6) , est majoré par le tabagisme et les autres facteurs de risque veineux (antécédent de thrombose veineuse profonde, thrombophilie, syndrome des antiphospholipides, anticoagulants circulants. En pratique, il convient de contre-indiquer la PEP et le tabac à toute patiente à risque veineux et de lui donner les moyens d'une contraception efficace sans sur-risque veineux, ainsi que de lui délivrer les conseils préventifs des accidents thromboemboliques dans les situations à risque (intervention chirurgicale, longs voyages en avion ou en voiture).


Varices:

Tout diagnostic de pathologie vasculoplacentaire ou de thrombophilie doit toujours contre-indiquer les estroprogestatifs, aussi bien que la cigarette. La contraception estroprogestative non orale (patch Evra® :150 μg de norelgestromine et 20 μg d'EE ou anneau vaginal Nuvaring® : 120 μg d'étonorgestrel et 15 μg d'EE quotidien) a les mêmes contre-indications que la PEP.
L'étude de Gourgon, en 2002 , a confirmé les effets délétères du tabac sur la circulation veineuse, encore plus nets chez les femmes obèses. Les femmes consultent neuf fois plus souvent que les hommes pour des raisons esthétiques et des signes physiques reliés à des varices. Quand elles sont fumeuses, les médecins consultés ont donc six fois plus souvent la possibilité de les aider à arrêter la cigarette. Dans l'étude de Canonico de 1998 , 40,5 % des femmes signalent l'apparition des varices avec la grossesse. L'obésité, la surcharge pondérale, la sédentarité en augmentent aussi la prévalence, proportionnelle à l'indice de masse corporelle (RR multiplié par 10 en cas d'IMC supérieur à 40).


Contraception, progestatifs et tabac:

La contraception progestative est indiquée quand la contraception estroprogestative est contre-indiquée ou non recommandée (surpoids, obésité, risque veineux). Les dérivés pregnanes et norpregnanes utilisés comme contraceptifs sans AMM n'augmentent pas le risque vasculaire. Les progestatifs n'altèrent pas le profil glycémique ni lipidique.


Progestatifs microdosés:

Les microprogestatifs ont une action antiovulatoire et périphérique sur la glaire. Ils sont souvent prescrits aux femmes à risque vasculaire, mais avec des effets secondaire ou de tolérance fréquents (séborrhée, acné, irrégularités menstruelles, kystes fonctionnels de l'ovaire).
Efficace dans le traitement de la séborrhée et de l'acné, la pilule Diane 35® possède également une action contraceptive reconnue. Les microprogestatifs sont les contraceptifs oraux les plus prescrits au Royaume-Uni aux femmes de 40 ans et plus, sans doute parce qu'ils n'augmentent pas le risque vasculaire. Ils ne dispensent pas de l'aide médicale au sevrage tabagique.
Les microprogestatifs sont indiqués en cas de facteurs de risque thromboembolique ou vasculaire.


Progestatifs normodosés:

Les dérivés pregnanes et norpregnanes, malgré l'absence d'AMM et une activité antigonadotrope limitée, sont utilisés par certains comme contraception antiovulatoire chez les femmes présentant une contre-indication aux estroprogestatifs.
En cas de mastodynie sévère, une contraception progestative normodosée discontinue peut être proposée, seulement si les facteurs de risque vasculaire, et en particulier le tabac, sont contrôlés.
L'OMS a, certes, défini les critères d'éligibilité des différentes méthodes contraceptives selon l'âge, le tabagisme et le niveau de celui-ci. Ces critères sont simples à appliquer, mais insuffisants pour garantir l'absence d'augmentation du risque d'accident vasculaire chez les femmes qui continuent de fumer et même si elles utilisent une méthode contraceptive sans influence sur ce risque. En effet, même en l'absence d'autres facteurs de risque (IMC élevé, dyslipidémie, diabète), la cigarette à elle seule, et donc sans apport hormonal, augmente toujours plus le risque d'accident vasculaire qu'un estroprogestatif pris par une patiente non fumeuse. Même si les progestatifs n'augmentent pas le risque vasculaire, en cas de prescription il est impératif de conseiller et contrôler l'arrêt du tabac.
En présence d'un facteur de risque comme le tabac, l'aide au choix d'une méthode contraceptive devrait s'inscrire dans une approche éducative ou d'accompagnement (conseling) (cf. infra, Méthode « des 6 A »).
Le conseling renvoie à une démarche de conseil ou d'accompagnement de la personne qui favorise l'expression de son choix. D'une part, il repose sur des bases d'empathie envers la personne, de respect pour sa sexualité, ses sentiments, son attitude et ses besoins et, d'autre part, il engage le soignant à conserver le maximum de neutralité vis-à-vis des démarches abordées et des informations fournies. La démarche éducative, pour sa part, renvoie à un partenaire pédagogique, centré sur la personne et visant à promouvoir la santé tout en la rendant autonome dans sa propre prise en charge. Cette approche est individualisée et se fonde à la fois sur ce que la personne est, ce qu'elle sait, ce qu'elle croit, ce qu'elle redoute et ce qu'elle espère et sur ce que le soignant est, sait, croit, redoute et espère.


Progestatif injectable retard:

La contraception par progestatif injectable retard, le médroxyprogestérone acétate 150 mg (Dépoprovera®) par ampoule est réservée aux femmes présentant certaines affections psychiatriques. Ce type de contraception n'augmente pas le risque d'infarctus, d'AVC ou de thrombose veineuse, que les femmes soient fumeuses ou non.


Progestatif implanté:

L'implant sous-cutané d'étonogestrel (Implanon®) est efficace à 100 % pendant trois ans en cas d'IMC inférieur à 25 s'il est inséré dans les 15 jours après l'accouchement. Il est remboursé à 65 %, sans effet sur la lactation et le risque thromboembolique.
La contraception par implant progestatif ou microprogestatif ne diminue pas la masse osseuse, au contraire de la contraception progestative injectable. La connaissance des risques et bénéfices des dispositifs intra-utérins (DIU) au lévonorgestrel (le risque de grossesse est de 0,02 pour 100 femmes-années) permet de mieux conseiller les femmes fumeuses, quel que soit leur âge. Elle représente une opportunité pour le clinicien pour proposer le sevrage tabagique et une aide médicale pour réussir.


Dispositif intra-utérin au lévonorgestrel:

Le DIU Mirena® au lévonorgestrel peut être indiqué chez les femmes présentant un risque vasculaire en période préménopausique pour réduire l'abondance des ménorragies et servir de contraception efficace. Cependant, l'insertion de ce type de stérilet ne dispense pas du support médical pour le contrôle des facteurs de risque vasculaire, au premier rang duquel le tabagisme, en recommandant l'arrêt du tabac (cf. infra).
Même si, depuis les recommandations de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) de 2004, le DIU n'est plus contre-indiqué chez les nullipares, il ne doit pas constituer une modalité contraceptive de première intention à l'adolescence. Lorsque l'utilisation d'un DIU est incontournable, l'utilisation du lévonorgestrel 52 mg (Miréna®) est préférable, car ce type de stérilet protège mieux du risque de grossesse extra-utérine que les DIU au cuivre. Le recours à un DIU au cuivre est à déconseiller, car il ne supprime pas le risque de grossesse extra-utérine, en particulier si la femme continue ou reprend la cigarette.


Pilule du lendemain et tabac:

Le comprimé de lévonorgestrel, Norlevo® dosé à 1,5 mg, doit être si possible pris dans les 12 heures suivant un rapport sexuel non protégé et au plus tard dans les 72 heures. Le tabagisme n'est pas une contre-indication au recours à la contraception d'urgence. Cependant, ce contraceptif ne dispense pas des conseils de sevrage.


Contraception des adolescentes et tabac:

L'adolescente, déjà confrontée à ses bouleversements psychocorporels et à ceux de son image identitaire, en devenant fumeuse, ne prend conscience ni de sa dépendance ni des risques somatiques personnels encourus. Aussi, dès ce stade, la mesure du CO expiré lors d'une prescription de contraception par le médecin ou la sage-femme peut être un excellent déclencheur motivationnel de décision d'arrêt.
Le récent décret du 15 novembre 2006, qui interdit de fumer dans l'enceinte des lycées ainsi que dans les établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement des mineures, contribue beaucoup à la dénormalisation de l'image de la cigarette.
La revue d'aide à l'arrêt chez les jeunes indique la nécessité de proposer des actions confidentielles, peu chères et facilement accessibles (lieu et horaires). L'implication et la motivation des adolescentes, de même le recours aux substituts nicotiniques en cas de dépendance physique, augmentent les chances de succès. À l'adolescence, comme chez les étudiantes, les principaux facteurs de rechutes sont liés à l'environnement (meilleures amies, parents ou proches fumeurs). L'aide apportée est d'autant plus efficiente que les adolescentes se sentent écoutées dans leurs préoccupations ou représentations et qu'elles bénéficient de conseils et de repères clairs pour choisir leurs priorités. Il est donc du devoir de chaque prescripteur de les informer correctement, lors des consultations de contraception, des effets délétères de la cigarette sur leur santé.
Le gynécologue devrait aussi se souvenir que le tabac est à la fois facteur et indicateur de risque d'IST ou de coaddictions. Parmi les facteurs associés aux relations hétérosexuelles précoces (15 ans ou avant) chez les adolescentes, selon l'enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC/OMS) [128], sont retrouvés le tabagisme quotidien et les ivresses répétées. Les adolescentes fumeuses régulières ont près de cinq fois plus souvent des rapports sexuels précoces que les non-fumeuses (48,0 % versus 10,1 %).
Le gynécologue devrait s'impliquer pour informer les adolescentes des effets néfastes particuliers du tabagisme: fumer augmente la prévalence et la sévérité de l'acné. Celle-ci devrait ainsi représenter une opportunité pour prévenir et prendre en charge le tabagisme simultanément à la prescription d'un contraceptif oral à efficacité antiacnéïque. En outre, la prévalence des troubles menstruels (dysménorrhée, cycles irréguliers, mastodynies, syndrome prémenstruel) est augmentée d'environ 50 %.
Adolescentes : contraception et tabac
• Prévention consultation éducative :
○ écouter leurs représentations et les changements psychocorporels
○ renforcer l'estime de soi
• Écouter leurs préoccupations :
○ acné : prévalence, sévérité augmentées
○ troubles menstruels, mastodynies plus fréquentes
• Modalités d'application du décret sur l'interdiction de fumer
• Risque d'altération de l'image corporelle ou identitaire
• Expliquer que le tabac est facteur de risque :
○ salpingite et infections sexuellement transmissibles (IST)
○ rapports sexuels avant l'âge de 15 ans
• Coaddictions : ivresses aiguës, cannabis, polyconsommation
• Traitements nicotiniques substitutifs (TNS) utiles si dépendance physique
• Risque de troubles alimentaires :
○ anorexie avec indice de masse corporelle (IMC) < 19
○ excès pondéral (25 < IMC < 29) ou obésité (IMC > 29)

Contraception dans le post-partum ou après IVG:
Dans le post-partum, en l'absence d'allaitement maternel, l'ovulation étant possible à partir du 25e jour, sages-femmes et médecins devraient, en même temps qu'ils informent sur les différentes stratégies de contraception, mettre à profit la demande pour aider les femmes concernées à arrêter ou à ne pas reprendre la cigarette. La prescription du traitement médicamenteux adapté (cf. infra), associé ou non aux thérapies cognitivocomportementales, au même titre que la prescription d'une contraception efficace, fait partie des bonnes pratiques. Dans le post-partum, l'arrêt du tabac est impératif. Les estroprogestatifs sont à éviter en raison du risque de thrombose. La contraception est à prévoir dès la sortie de la maternité par progestatif à faible dose continue pour prévenir une fécondation trois semaines après l'accouchement. D'autre part, le tabagisme perturbe l'intéressée dans son choix entre allaitement maternel et allaitement au biberon et les personnels, tant dans leur positionnement personnel ou d'équipe que dans leurs informations auprès des mères. L'absence de réflexion préalable ou d'aide au sevrage du tabac pendant la grossesse est source de décisions inadéquates ou anxiogènes. En effet, même si les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) font la promotion de l'allaitement maternel, plusieurs décennies de normalisation psychosociale du tabagisme féminin continuent d'influencer négativement le choix des mères et leurs chances de réussir, avec leur allaitement, leur sevrage tabagique. L'anticipation du retour à la maison, le soutien de l'environnement familial, en particulier du père, y compris dans ses consommations à risques, est un des moments clés de réussite. Le soutien, en organisant les conditions d'une relation favorable mère-père-bébé, en même temps que les conditions d'arrêt de la cigarette, ou de sa non-reprise, est particulièrement nécessaire. Le baby blues, certes limité dans le temps (2e au 15e jour après l'accouchement), donne à la mère un sentiment d'échec, limitant les chances de réussir à allaiter son bébé en même temps qu'à arrêter la cigarette. En effet, le tabagisme non arrêté avant l'accouchement ou repris après celui-ci ne fait qu'aggraver les crises de larmes et l'insomnie. La cigarette, comme le post-partum blues, risque alors de brouiller l'installation de la relation mère-bébé.
Ménopause, traitement hormonal substitutif et tabac:



Ménopause avancée:
Les manifestations de la ménopause ont traversé les siècles sans changement, sauf l'âge de leur survenue chez les fumeuses. Le tabac est, parmi les paramètres susceptibles d'influencer l'âge de la ménopause, celui qui a le pouvoir délétère le plus évident. Dans tous les pays développés, toutes les tranches d'âge, la proportion de femmes ménopausées fumeuses est toujours plus élevée.
Notre société dénie le vieillissement en érigeant la jeunesse en valeur suprême. Le tabagisme diminue la capacité de production hormonale ovarienne d'environ 8 %, ce qui entraîne l'avance de l'âge de la ménopause de 2 à 3 ans. La carence estrogénique induit une modification de la répartition des graisses et la perte de la protection contre le risque cardiovasculaire.


Risque vasculaire et tabac:

À la ménopause, c'est par le biais de l'augmentation de la prévalence des autres facteurs de risque vasculaire (tabac, HTA, diabète, hyperlipidémie ou syndrome métabolique), que les maladies cardiovasculaires deviennent plus fréquentes : la prévention avec conseils hygiénodiététiques et suppression du tabac est d'autant plus efficace qu'elle est initiée tôt dès 35 ans et soutenue sur la durée. En l'absence de prévention, l'impact des facteurs psychologiques ou du stress sur la prise de poids est importante : chez certaines femmes, en effet, la cigarette ou les prises alimentaires font office de stratégies d'adaptation ou de réponse à un conflit. Des facteurs de risque, tous modifiables (tabagisme, HTA, obésité abdominale [134], dyslipidémie, facteurs sociopsychologiques, sédentarité, faible ingestion de fruits et légumes), influencent l'espérance et la qualité de vie : l'association de ces facteurs multiplie par 129,2 le risque d'infarctus chez les femmes. L'étude d'Albert, concernant 121 701 femmes âgées de 30 à 55 ans, a retenu 244 cas de mort subite ; 69 % des décès sont survenus sans antécédent cardiaque, mais dans un contexte de risque cardiovasculaire avec au moins un facteur de risque, dont le tabac. La poursuite de la cigarette à la ménopause, au-delà des changements psychoaffectifs et hormonaux que celle-ci entraîne, majore beaucoup le risque vasculaire. La demande de THS de la part des fumeuses ménopausées intervient après plusieurs décennies de tabagisme qui ont accéléré le vieillissement ovarien. Étant donné que le tabac augmente toujours plus le risque vasculaire que le THS, c'est la cigarette qui devrait toujours être proscrite avant le THS. Pour prévenir ou dépister le risque d'AVC, les signes prémonitoires sont à expliquer aux femmes (engourdissement soudain localisé, perte de vision, dysarthrie, céphalée brutale, chute avec confusion, désorientation). L'AVC, ou infarctus du myocarde inaugural, témoin de l'échec de la prévention primaire, impose la prévention du risque de récidive (voisin de 30 % avec risque de décès multiplié par quatre chez la femme). La gravité de l'AVC justifie la correction des facteurs de risque, au premier rang desquels se trouve le tabac, c'est-à-dire le sevrage tabagique. L'effet protecteur vasculaire du traitement estrogénique est observé seulement dans la tranche 50-59 ans, selon la réanalyse des données par tranches d'âge de l'étude Women Health Initiative (WHI) . Aussi, en cas de demande de THS par une fumeuse, la première réponse thérapeutique s'écrit sous la forme d'une aide médicamenteuse à l'arrêt du tabac : ainsi, toute consultation d'une fumeuse représente une opportunité pour déclencher ou renforcer la motivation pour stopper la cigarette.
Le tabagisme accélère d'autant plus vite l'athérosclérose coronaire, cérébrale ou des membres inférieurs chez la femme, qu'il a été initié tôt ou qu'il est intense. Il augmente le risque de thrombose artérielle, d'instabilité de la plaque, d'accident vasculaire en réduisant l'apport d'oxygène tout en augmentant les besoins du myocarde à cause du travail cardiaque majoré. Le message du médecin doit être clair pour les femmes à risque vasculaire, a fortiori ménopausées : sevrage tabagique, 3 h 30 de marche minimum par semaine (sur-risque réduit de 50 % au bout d'un an et normalisé au bout de 3 ans).
Ménopause, risque vasculaire et tabac : moyens de prévention
• Arrêter le tabagisme : sur-risque réduit de 50 % à 1 an, normalisé à 3 ans
• Rechercher et corriger les autres facteurs de risque vasculaire :
○ corriger la dyslipidémie : LDL ≤ 2,6 mmol/l (100 mg/dl) ;
○ traiter l'hypertension : normaliser la TA (le tabagisme est le principal facteur de risque d'après la méta-analyse des effets du traitement de l'HTA : Individual Data Analysis of Antihypertensive Intervention Trial) ;
○ traiter le diabète : normaliser le cycle glycémique ;
○ corriger l'IMC :
- une activité physique régulière ± programme d'exercices contrôlés,
- un régime pauvre en graisses et sucres rapides,
- l'exercice physique trois fois 30 minutes abaisse la mortalité.
La ménopause accroît le niveau de risque vasculaire des facteurs métaboliques : augmentation du fibrinogène, de la glycémie, diminution de la sensibilité à l'insuline. Il est regrettable que la plupart des résultats publiés n'intègrent pas dans leurs analyses ni l'impact du tabagisme sur le risque vasculaire ou oncologique (cancers du sein notamment), ni l'intérêt du suivi gynécologique pour la réduction des risques vasculaire et métabolique en relation et l'arrêt du tabac. Concernant le hormonal de la ménopause (THM), celui-ci n'est justifié que sur l'analyse avec l'intéressée de sa balance bénéfices/ risques avec en cas de tabagisme en première réponse thérapeutique le conseil clair d'arrêt associé à la prescription soit de substituts nicotiniques soit de varénicline. Ainsi le suivi pour ménopause représente une opportunité pour déclencher ou renforcer la motivation pour stopper la cigarette. Chez la fumeuse, le risque d'ostéopénie ou le risque vasculaire est lié à l'exposition antérieure durant des dizaines de milliers d'heures à la fumée de tabac ; aucun THM ne peut en annihiler les effets. Comme durant la période de fécondité en prévention primaire, une femme qui arrête le tabac diminue toujours plus son risque vasculaire ou osseux en arrêtant le tabac que si elle prend un THM en poursuivant la cigarette. Il n'y a aucune indication à initier ou à poursuivre un THM chez une femme qui fume, l'indication est d'abord le sevrage tabagique. Globalement, le THM ne devient justifié que chez les femmes non fumeuses ou ayant arrêté de fumer. Ce traitement (estradiol percutané associé à la progestérone micronisée) ne remplit pleinement son rôle qu'associé aux autres mesures préventives (activité physique, contrôle du surpoids, de la dyslipidémie, de l'HTA) [136].


Risque métabolique, obésité et tabac:

À la ménopause [137], la plupart des femmes sont préoccupées de voir, avec l'augmentation de leur poids (plus 5 kg en moyenne) et de leur tour de taille, leur image corporelle s'altérer. La ménopause modifie le profil lipidique : cholestérol LDL apoprotéine B, triglycérides augmentés, fraction HDL et apoliproprotéine A diminués. Le tabagisme aggrave ces perturbations biologiques. La relation entre risque métabolique (insulinorésistance), risque vasculaire et gain de la masse grasse abdominale au détriment de la masse musculaire est maintenant bien établie. Le tour de taille standardisé (TTS), ou rapport tour de taille (cm) sur taille (cm), supérieur ou égal à 0,50, majore le risque métabolique (diabète, hypertriglycéridémie), et vasculaire (HTA, accident coronarien ou cérébral). Le TTS est l'indicateur anthropométrique prédictif de risque cardiovasculaire ou métabolique le plus pertinent .
Les facteurs de risque métabolique (tabac, apports alimentaires trop gras, trop sucrés, trop salés, IMC élevé, sédentarité) sont à rechercher en même temps que le bilan biologique habituel (glycémie, cholestérol HDL et LDL, triglycérides). L'évolution de ces marqueurs est à contrôler dans les 6 mois suivant la prescription hormonale avec suivi individuel étroit à 1 semaine et à 1 mois. La simple marche, pratiquée au moins 10 minutes chaque jour, ou, mieux, des programmes adaptés d'exercices, améliore la répartition corporelle et réduit le tour de taille. D'autre part, l'activité physique régulière ou la natation augmente la sensation de bien-être et par son effet hypoglycémiant contribue à corriger l'insulinorésistance ou à prévenir son installation.
La consultation gynécologique devrait toujours dépister le risque tabagique et intégrer les conseils de sevrage en même temps que le contrôle des autres facteurs de risque métabolique, alimentation équilibrée, activité physique, afin de préserver la masse maigre et l'image corporelle.


Risque osseux, ostéoporose et tabac:

En France, chaque année, environ 4 ‰ femmes atteignent la ménopause et près de 40 % d'entre elles, soit environ 150 000, présentent une fracture (vertèbres, avant-bras, fémur) liée à l'ostéoporose. L'ostéodensitométrie est indiquée comme aide à l'évaluation du rapport bénéfice/risque pour les patientes présentant un ou plusieurs facteurs de risque osseux ou vasculaire responsables de contre-indication relative au traitement substitutif . Pour chaque diminution de 10 % à 15 % du contenu minéral osseux, le risque de fracture augmente, selon le type de fracture, de 50 % à 140 %.
L'ostéoporose est définie comme une diminution de la densité osseuse supérieure ou égale à 2,5 écarts-types, soit un T-score inférieur ou égal à 2,5. Le tabagisme en cours, la sédentarité et l'alimentation en sont les principaux facteurs de risque. Plus fréquente chez les fumeuses, l'ostéoporose reste sous-diagnostiquée et sous-traitée. Pourtant, en présence de facteurs de risque, l'ostéodensitométrie, avec un prix voisin de 40 €, est remboursée par la Sécurité sociale depuis juillet 2006.
La perte osseuse débute souvent dès l'âge de 30 ans et s'accélère après la ménopause avec la disparition de la sécrétion estrogénique. Le tabagisme a des effets néfastes directs, sur les ostéoblastes et donc sur la masse osseuse, et indirects, liés à la diminution de l'action estrogénique et des apports vitaminocalciques insuffisants . Le tabagisme isolé, et a fortiori associé à l'alcool, expose à un risque accru d'ostéoporose . Plus tôt le tabagisme est pris en charge, plus l'efficience des mesures thérapeutiques est grande.
En cas d'ostéoporose secondaire (10 % à 20 % des ostéoporoses post-ménopausiques), un bilan phosphocalcique avec 25-OH vitamine D3, numération-formule sanguine (NFS), vitesse de sédimentation (VS), avec ou sans électrophorèse des protides, est indiqué.
Le risque fracturaire est lié à la baisse de la densité minérale osseuse (DMO). Le traitement curatif s'applique en fonction du risque individuel, déterminé par la DMO et les facteurs de risque. Le diagnostic d'ostéoporose est malheureusement encore trop souvent fait lors de la survenue d'une fracture, qui en constitue la conséquence la plus grave. La loi relative à la santé publique de 2004 a prévu de réduire de 10 % l'incidence des fractures de l'extrémité supérieure du fémur en 2008 (actuellement 67,9/100 000 femmes). Cependant, cet engagement gouvernemental ne semble pas avoir atteint son but : en effet, le tabac est la première cause évitable d'ostéoporose, à condition d'intégrer sa prévention dans les actions de santé publique dès l'adolescence.
Moyens de prévention de l'ostéoporose
Arrêter le tabac
Normaliser l'IMC :
• augmenter poids et masse musculaire si IMC < 19
• réduire progressivement poids si IMC > 25
Alimentation équilibrée, diversifiée, peu salée
Activité physique ou marche quotidienne
THM si non contre-indiqué
Supplémentation : calcium 1 000 mg + vitamine D 800 UI/j à 1 000 UI/j
Exposition solaire suffisante
Chez la fumeuse en surcharge pondérale, on peut disposer d'environ un an pour obtenir l'arrêt du tabac, un poids plus favorable et la correction des autres facteurs de risque vasculaire. Les phytoestrogènes de soja ont une action sur les bouffées vasomotrices, mais ne préservent ni de l'ostéoporose ni des effets délétères liés à la poursuite du tabagisme. Le raloxifène (modulateur sélectif des récepteurs aux estrogènes) a un effet antifracturaire et diminue le risque de cancer mammaire . Il comporte cependant un risque accru de complications veineuses thromboemboliques (RR : 3,1 ; IC 95% : 1,5-6,2).
Pour la prévention, l'intérêt d'une bonne hygiène (arrêt du tabac, activité physique et marche à pied, amélioration de l'IMC et des habitudes alimentaires) est primordial . Les recommandations de l'AFSSAPS de janvier 2006, en faisant le point sur les différents traitements de l'ostéoporose (risédronate, alendronate, raloxifène, ranelate de strontium, tériparatide) ont bien rappelé que l'efficacité thérapeutique dépend des mesures complémentaires.
Pour être pleinement efficace, une stratégie de dépistage de l'ostéoporose devrait être mise en place en mobilisant les gynécologues et les généralistes. Même si les effets bénéfiques osseux et cardiovasculaires des traitements médicamenteux sont démontrés, le bon sens clinique doit faire considérer comme insuffisant le traitement de l'ostéoporose qui ne serait pas accompagné de l'aide au sevrage tabagique et des règles hygiénodiététiques adéquates (apports suffisants en calcium entre 1200 et 1500 mg/j, associé à 1000 UI/jour de vitamine D, activité physique régulière adaptée, normalisation de l'indice de masse corporelle).


Surveillance gynécologique : outils et interventions efficaces



Cycle menstruel et sevrage tabagique:

En cas d'arrêt, les pulsions à fumer (craving) sont plus intenses chez la femme que chez l'homme. Quand une femme arrête de fumer le syndrome de sevrage ou le craving est moins intense en période folliculaire et augmenté en phase lutéale . Les signes de manque (irritabilité, troubles de concentration, anxiété) sont majorés en phase lutéale .
Le soutien psychologique et l'accompagnement sont toujours importants :
• favoriser le sentiment d'être libre de décider et choisir une date favorable, en première partie de cycle ;
• conseiller la ligne téléphonique de Tabac Info Service. En effet, le médecin consulté pour un motif gynécologique est le meilleur instigateur potentiel de la décision du sevrage tabagique.


Tabagisme périopératoire : nouvelles procédures

Le tabagisme actif accroît la morbidité respiratoire postopératoire. Une abstention de 6 à 8 semaines fait disparaître ce risque, une abstention de 4 semaines réduit ce risque. L'arrêt du tabac a aussi un effet bénéfique sur les processus de cicatrisation et la réduction du risque de thrombose. La patiente doit toujours être encouragée à arrêter de fumer, même en cas de délai court avant la chirurgie. Les substituts nicotiniques n'ont que très peu d'interférence avec les agents de l'anesthésie.
Le tabagisme constitue un facteur de risque reconnu d'insuffisance coronarienne aiguë et d'accident thromboembolique postopératoire. Le principal toxique responsable des complications postopératoires est le CO contenu dans la fumée de cigarette. Le tabagisme accroît de manière significative les risques opératoires à toutes les phases de l'intervention, y compris lors de l'anesthésie générale ou locorégionale. Il compromet le processus de cicatrisation et augmente le risque de thromboses vasculaires. La nécessité d'être hospitalisée en unité de réanimation au décours d'une intervention chirurgicale gynécologique est multipliée par deux. En cas de fracture du bassin chez une fumeuse, le risque de retard ou d'absence de consolidation en cas d'intervention est multiplié par huit.
Le risque de complications infectieuses postopératoires dans la chirurgie du sein est 3 à 3,5 fois plus important chez une patiente tabagique non sevrée.
L'arrêt complet du tabac doit s'inscrire dans la stratégie de prise en charge préopératoire, avec information de l'ensemble de l'équipe médicochirurgicale pour favoriser la constitution de structures efficientes. Le rôle privilégié du chirurgien gynécologue dans la reconnaissance précoce du tabagisme et l'aide au sevrage sont à souligner. L'arrêt du tabac recommandé 6 semaines avant toute intervention chirurgicale gynécologique programmée permet d'en réduire significativement les complications postopératoires.
Il faut organiser l'accompagnement et intégrer cet arrêt dans la préparation chirurgicale, l'aide médicale augmentant les chances de succès. La ligne téléphonique Tabac Info Service peut être un support à conseiller. Le gynécologue peut aider sa patiente à arrêter de fumer ou l'adresser à un confrère tabacologue. En valorisant le motif initial de consultation de bien-être, en montrant les demandes incohérentes, il devient possible de transformer l'arrêt du tabagisme en un projet positif de vie meilleure. Est-il cohérent de s'inquiéter des risques de cancer du sein, quand le « choix » a été fait de laisser se développer un cancer directement induit par le tabac ?


Mesure du CO expiré/entretien motivationnel: 

La mesure du CO expiré exprime, en ppm (particules de CO par million de particules d'air), le degré d'intoxication tabagique. Comme le montre le Tableau 14, la fumeuse qui réduit ses cigarettes peut garder le même niveau de risque, voire l'augmenter en raison du mécanisme d'autotitration (elle tire plus fort et plus souvent sur les cigarettes qu'elle s'autorise pour maintenir le même niveau de nicotine).
La mesure du CO, seule information objective, peut avoir une incidence positive sur le plan de la responsabilité médicolégale, en particulier en cas d'accident vasculaire survenant chez une fumeuse après prescription hormonale estroprogestative. Pour la patiente, quel que soit son motif de consultation, la mesure du CO expiré est un excellent déclencheur motivationnel pour son choix d'arrêter de fumer. La mesure démontre que seul l'arrêt complet est bénéfique et permet une meilleure compréhension des liens entre le constat clinique global ou gynécologique et les facteurs de risque médicosociaux de l'intéressée, quel que soit leur âge en continuant de fumer. Les femmes augmentent leur risque cardiovasculaire métabolique ou osseux même sans aucun apport estroprogestatif, quel que soit l'âge, mais a fortiori après 35 ans. Ne pas apporter une aide médicale pour arrêter la cigarette aux femmes qui consultent pour contraception ou tout autre motif gynécologique pourra être assimilé à « non-assistance à personne en danger ». En cas d'accident vasculaire, toute contraception ou toute prescription, même sans effet sur le risque vasculaire, pourra être assimilé à une perte de chance si le conseil d'arrêter de fumer et si l'aide ou le relais pour y parvenir n'a pas été donné.
Le résultat en ppm (noté sur le dossier du consultant) est le meilleur indicateur de la qualité de la prise en charge gynécologique des patientes fumeuses. La mesure du CO expiré, en objectivant la réalité de l'intoxication tabagique ou celle du sevrage (normalisation du taux de CO en dessous de 6 ppm), apporte la pertinence diagnostique qui fait défaut avec le seul conseil minimal. La mesure, loin de culpabiliser, valorise chaque patiente dans sa capacité de s'autoévaluer et introduit tous les éléments de la démarche « des 6 A ».
Les conséquences somatiques du tabagisme, accessibles lors de tout examen gynécologique bien conduit, devraient aussi être au centre des préoccupations. Le diagnostic objectif du niveau du tabagisme représente une opportunité pour éclairer la subjectivité de la consultante, l'écoute de ses signes fonctionnels ou psychologiques pour l'aider à décoder les représentations du déni de sa féminité.
Consultations gynécologiques, EPS, THS et tabac
Les femmes fumeuses diminuent davantage leur risque cardiovasculaire en arrêtant la cigarette plutôt qu'en arrêtant les EPS. Elles augmentent même leur risque en continuant de fumer, même si elles arrêtent leur EPS. Ainsi, quel que soit l'âge, mais a fortiori après 35 ans, ne pas apporter une aide médicale pour arrêter la cigarette aux femmes qui consultent pour contraception, THS ou tout autre motif gynécologique pourra être assimilé à « non-assistance à personne en danger ». En effet, une contraception ou une prescription qui n'augmente pas le risque vasculaire, ne supprime pas les risques intrinsèques du tabagisme, qui pourra être assimilé à une perte de chance.
La demande ou suivi de la contraception orale ou du THS est le meilleur moyen d'aider les femmes concernées à réussir le sevrage tabagique et ou à corriger leurs autres facteurs de risque vasculaire.


Thérapies cognitivocomportementales (TCC), relaxation:

La consultation est un moment privilégié pour une prise de conscience de la femme. Cette prise de conscience doit être suscitée par le médecin.
Les thérapies cognitivocomportementales (TCC) utilisent l'apprentissage et les modèles cognitifs, conscients ou inconscients, pour engager et maintenir le déconditionnement au tabac. L'identification des situations propices aux pulsions à fumer et l'apprentissage d'actions alternatives choisies, comme sortir dehors ou marcher 2 minutes, ou encore se relaxer en se centrant sur la respiration, permet d'éviter de rallumer une cigarette. L'entraînement cognitif permet de générer des pensées gratifiantes capables de remplacer les pulsions à fumer.
Les stratégies de coping reposent sur une première phase de reconnaissance du processus cognitif, puis de mise en place de contrôle des stimulus. Il faut bien connaître d'avance les situations déclenchantes. Les différentes stratégies de contrôle du stimulus sont l'évitement, la substitution et le changement, réduire l'intensité et la durée des envies de fumer, dédramatiser, occuper le terrain cognitif, se répéter la liste de ses motivations, penser à autre chose de plaisant, à changer de contexte, s'engager dans une activité brève. Les activités physiques sont particulièrement efficaces, ou encore la prise d'une gomme ou d'un comprimé sublingual, les exercices de relaxation respiratoire.
La prise en charge psychologique est facilement accessible à tout clinicien, cependant celui-ci peut aussi facilement conseiller d'appeler Tabac Info Service. Cette ligne permet à toute fumeuse d'avoir un entretien de 30 minutes avec un tabacologue et de se faire rappeler cinq fois 15 minutes à l'heure de son choix.
Les TCC s'appuient sur trois principes d'action à la base de toute hygiène de vie :
• accepter son schéma corporel pour se sentir mieux dans sa peau ;
• choisir de dynamiser sa vie : toute action et ou toute sensation et ou pensée positive déclenche un processus dynamique de renforcement de l'estime de soi qui change la vie ;
• accepter les contraintes du réel et décoder les filtres de la réalité objective.
Faire l'apprentissage de la détente et de la relaxation c'est en faire l'expérience autant dans la sensorialité (sensation de bien-être) que dans la réalité physiologique (le tonus musculaire lié à la tension psychique). Les TCC, en recentrant la personne sur elle-même, lui permettent de retrouver ou de renforcer son équilibre. Leur efficacité passe par la prise en compte des empreintes passées. Ainsi, certaines femmes victimes de phobie sociale ont appris, en fumant, à se sentir moins anxieuses en public. D'autres, présentant des signes anxiodépressifs, ont appris à les gérer avec la cigarette plutôt qu'avec elles-mêmes ou leur travail.
Anticiper les situations difficiles, c'est décoder les habitudes, les représentations ou les pensées automatiques. Les TCC visent le réapprentissage du mieux-vivre et l'analyse des filtres de la réalité pour mieux la prévoir. Les pensées négatives sont fréquentes chez les femmes ayant subi des traumatismes somatiques et/ou psychiques (violences sexuelles ou conjugales, harcèlement moral).
Il importe de renforcer le sentiment d'efficacité personnelle en invitant la patiente à devenir « l'expert » de sa capacité de changer son comportement, en reprenant la marche ou une activité physique, ou d'autres habitudes comme les exercices de respiration ou des séances de relaxation. Il est important de conseiller l'autoévaluation de ses habitudes en renseignant difficultés, progrès, signes de manques ou moment de bien-être sur le questionnaire ad hoc. Les psychotropes sont utiles en situation d'urgence, dans une logique symptomatique : anxiolytiques pour les décompensations anxieuses, antidépresseurs pour les épisodes dépressifs.
Dans le cadre du suivi gynécologique d'une ex-fumeuse, il convient de prévenir la rechute. Pour cette prévention, le renforcement des ressources de la patiente est essentiel. Ce renforcement s'appuie sur les leviers des TCC : acquisition d'aptitudes nouvelles, décodage des facteurs cognitifs, valorisation du sentiment d'efficacité personnelle, identification des stresseurs, aptitude à changer les habitudes nocives pour la santé, pratique d'activités valorisantes et de la dissonance cognitive, apprentissage de la gestion des faux pas. Bien sûr, le relais auprès d'une consultation ou d'une psychologue peut être aussi une bonne solution si la femme adhère à la proposition.
L'efficience de l'entretien motivationnel passe par l'empathie, le renforcement par questions ouvertes ou l'écoute réflective, le soutien de l'efficacité personnelle, le développement des discordances, l'identification des pièges à éviter (en particulier celui de la confrontation ou du déni).
La double approche comportementale et pharmacologique augmente significativement les chances de succès. Même si les moyens manquent à l'heure actuelle en raison de l'insuffisance de formation de la plupart des médecins en tabacologie ou aux thérapies cognitivocomportementales (TCC) et du nombre insuffisant des consultations spécialisées, chaque gynécologue peut aider individuellement ses patientes fumeuses dans sa démarche vers l'arrêt de la cigarette.
La corrélation entre dépression majeure et tabagisme est forte. Dans une étude portant sur plus de 100 000 infirmières suivies pendant 12 ans, le risque relatif de mort par suicide est d'autant plus élevé que le tabagisme est important, passant ainsi de 1,30 pour les ex-fumeuses à 1,93 pour les fumeuses de moins de 25 cigarettes et à 4,21 pour celles fumant plus de 25 cigarettes par jour. Les femmes présentant des antécédents de dépression nécessitent une attention toute particulière pendant leurs tentatives de sevrage tabagique, ainsi qu'un suivi clinique prolongé.
La motivation est la base de tout changement de comportement et de l'adhésion aux propositions thérapeutiques. Il faut comprendre l'autodétermination comme le principal moteur de motivation, la percevoir comme le principal responsable de ses choix. Quand l'autodétermination est réprimée ou menacée, le sujet se rebelle pour retrouver ce qui lui semble sa liberté de choix. Dans l'apport des TCC, Cungi insiste sur l'importance d'instaurer une alliance thérapeutique basée sur une relation empathique, la technique d'entretien « des 4 R » (renforcer, reformuler, recontextualiser, résumer), la mise en évidence des cercles vicieux et la mise en place d'un cercle constructif qui permet de se centrer sur la réalité de chaque patiente.
La relaxation est le fonctionnement organique qui fait alterner naturellement les phases de tension et de relâchement. Elle a pour objectif de remplacer un état émotionnel fortement consommateur d'énergie, comme la colère, par un état de calme beaucoup plus économique. La notion de réactivité émotionnelle est centrale pour comprendre la relaxation autorisant le meilleur accès possible à la pensée opératoire en vue d'un changement de comportement.
L'anxiété, parfois à l'origine de la dépendance, est aussi un frein important au sevrage : tout ce qui majore stress ou anxiété peut être source d'échec ou de rechute. Sans réduire le tabagisme à une dépression, même masquée, celle-ci devrait toujours être recherchée et prise en compte. Les anxiolytiques ou antidépresseurs, parfois nécessaires pour réussir le sevrage, ne doivent cependant pas être prescrits de manière systématique .
Dans la prise en charge du tabagisme, la mesure du CO expiré intégrée à consultation gynécologique valorise la relation thérapeutique, évitant de culpabiliser, comme la prise de conscience ou l'estime de soi en visualisant la normalisation des chiffres.
Le CO expiré est en temps réel le meilleur marqueur objectif du tabagisme (après l'inspiration retenue de 10 secondes, expirer le plus longtemps possible pour bien mesurer la teneur en CO de l'air alvéolaire).
L'expérience en routine clinique nous apprend que l'objectivation de l'intoxication par la lecture des chiffres de CO interpelle chaque patiente, beaucoup plus que tout discours médical ou preuve scientifique. La mesure du CO, au-delà de la démarche diagnostique permet d'enclencher une démarche thérapeutique par la motivation au sevrage qu'elle crée ou renforce. C'est en effet à la suite de la première mesure du CO ou de sa répétition que le cheminement pour arrêter de fumer se manifestera.
Conduite à tenir
1. Évaluer la mesure du CO expiré (ppm)
2. Calculer l'indice de masse corporelle (IMC)
3. Rechercher les cofacteurs de risque : obésité, HTA, migraine, hypercholestérolémie, diabète, syndrome métabolique, facteurs de risque environnementaux
4. Utiliser la méthode des 6 A
5. Vérifier l'arrêt du tabac (quel que soit le motif de la consultation gynécologique ou le traitement proposé)
Il existe sur le marché français plusieurs types d'analyseurs de CO légers, transportables, avec gamme de mesure du CO linéaire entre 0 et 100 ppm (résultats en ppm traduits en pourcentage de HbCO). Ils comportent une cellule de lecture nécessitant un temps de retour à zéro d'autant plus long que la mesure a été élevée, des embouts à usage unique.
Le sevrage tabagique médicalement aidé en secteur libéral, à l'hôpital ou dans le cadre d'un réseau de soins est plus efficient. Pour la prise en charge des fumeuses, une fois le dépistage réalisé, les gynécologues qui ne souhaitent pas s'investir dans l'aide au sevrage peuvent référer à une sage-femme ou médecin tabacologue. Le dépistage d'une éventuelle double dépendance alcoolotabagique soulève des difficultés de prise en charge d'une telle complexité, qu'elles dépassent le cadre de ce texte et souvent la compétence d'un seul spécialiste. Dans cette situation, il convient, en lien avec le médecin généraliste, d'organiser la prise en charge. De même, en cas de dépistage d'une dépression sévère, il est indiqué de référer la patiente à un psychiatre pour un suivi spécialisé.
Cette complexité, les comportements incohérents de certaines patientes, peuvent expliquer le malaise de certains gynécologues, soucieux des risques de la judiciarisation de leur exercice médical [163]. Pour résumer et pour ce qui concerne le tabagisme, la mesure du CO expiré est la seule façon de donner l'information nécessaire et d'en avoir la preuve et, en même temps, placer la patiente en face de sa responsabilité personnelle. Le résultat de cette mesure en ppm, une fois communiquée, rétablit en effet l'équilibre de l'équation droits et devoirs de chacun, médecin et patiente , équation établie sur le partage d'informations objectives. Le consentement éclairé de la patiente repose sur la qualité de ces informations, y compris des risques et conséquences de l'absence d'adhésion à la démarche thérapeutique ou préventive proposée.
Il existe deux méthodes thérapeutiques efficaces : soit médicamenteuse (substituts nicotiniques, varénicline , bupropion),soit psychocomportementales (TCC). La « dépendance physique » est traitée en fonction de son intensité par les substituts nicotiniques. Le principal risque est le sous-dosage, c'est-à-dire le traitement substitutif qui ne supprime pas les signes de manque. Le surdosage (bouche pâteuse, palpitations, insomnie) est possible, mais beaucoup moins fréquent. La dermite d'irritation liée à l'application des patchs trop souvent au même endroit, les brûlures pharyngées ou épigastriques liées aux formes orales mâchées ou sucées trop rapidement peuvent être évitées en rappelant les conseils de prévention. L'entretien motivationnel , qui devrait constituer le cadre de toute consultation gynécologique avec échange centré sur la patiente, renforce l'estime de soi et le sentiment d'autoefficacité (questions ouvertes, acceptation de la résistance et de l'ambivalence comme une attitude naturelle, sentiment d'efficacité personnelle valorisé) et fait partie intégrante de la démarche diagnostique et éducative résumée dans la méthode « des 6 A ».
Le suivi gynécologique, le conseil de faire appel à la ligne de Tabac Info Service, offrant un suivi personnalisé et les conseils de tabacologues, augmente l'efficience de la prise en charge en partenariat avec les autres professionnels de santé, médecin généraliste référent et chirurgien dentiste.


Traitements pharmacologiques:

Substituts nicotiniques:
La substitution nicotinique est indiquée chez la fumeuse dépendante physiquement à la nicotine, dépendance évaluée par le test de Fagerström et mieux objectivée par le taux de CO dans l'air expiré. Les substituts nicotiniques existent actuellement sous quatre formes : dispositifs transdermiques (patchs), gommes, comprimés à sucer et inhaleurs. Il existe soit des patchs de 24 heures dosés à 21, 14 et 7 mg (laissés en journée) soit des patchs de 16 heures dosés à 15, 10 et 5 mg.
Les timbres doivent être posés sur la peau glabre et saine, en changeant de site tous les jours pour éviter une irritation, rare mais possible.
La prescription des substituts nicotiniques doit s'accompagner de conseils généraux : boire un verre d'eau à chaque envie de fumer, améliorer son alimentation, augmenter ses dépenses énergétiques (marche, jogging) pour éviter ou limiter la prise de poids en fonction de l'indice de masse corporelle.
Le principal danger, en effet, du recours aux traitements nicotiniques chez la femme dépendante est la sous-substitution, responsable des signes de manque à l'origine de l'effet nocebo de certaines prescriptions ou de certains échecs thérapeutiques. Pour les formes orales, pastilles ou comprimés à sucer, gommes, l'absorption se fait par la muqueuse buccale et avec la déglutition de la salive. Seule une certaine proportion nicotine parvient à l'estomac.
Les gommes sont dosées à 2 et 4 mg et existent en plusieurs parfums (nature, menthe, orange, fruit). Il importe de bien conseiller un mode d'emploi correct et de signaler les effets indésirables possibles.
La surveillance du traitement nicotinique substitutif adaptée à chaque femme permet de moduler les doses prescrites aussi longtemps que nécessaire, habituellement 3 à 6 mois en conseillant toujours de diminuer de façon progressive.
Les microtab (Nicorette®) dosées à 2 mg et les comprimés à sucer (Niquitin®) dosés à 2 mg et 4 mg doivent être placés sous la langue, où ils fondent en 15 à 20 minutes. Leur goût peu attirant peut être masqué en les associant à un chewing-gum classique. L'allergie à la nicotine ou aux excipients est exceptionnelle ; en revanche, les réactions d'hypersensibilité à l'adhésif des patchs dépassant la zone d'application invitent à recourir aux formes orales ou à la varénicline. Les gommes sans sucre sont à éviter en cas d'intolérance au fructose ou de prothèses dentaires.
En pratique, la démarche médicale comprenant mesure du CO expiré et entretien motivationnel, prescription de varénicline ou de substituts nicotiniques avec ou sans bupropion, est la plus efficace, car elle engage la femme dans un projet de vie personnel valorisant. Cette démarche suscite la dissonance cognitive. Il importe aussi de conseiller l'exercice physique, qui représente la règle d'hygiène de vie la plus efficace pour la prévention de la prise de poids ainsi que des effets des autres facteurs de risque vasculaire.
Il est possible de dépister l'existence d'un syndrome dépressif en utilisant l'échelle d'appréciation hospital anxiety and depression scale (HAD), mais surtout lors de l'entretien clinique, en recherchant une tristesse de l'humeur ou une perte de l'élan vital, des plaintes somatiques fonctionnelles comme les douleurs pelviennes ou précordialgies, des céphalées ou des troubles du sommeil.


Varénicline:

Elle a une efficacité intéressante entre les 9e et 12e semaines. Dans une stratégie de sevrage tabagique, le taux d'abstinence fut de 44 % avec la varénicline versus 17,7 % pour le placebo et 29,5 % pour le bupropion . La varénicline est un agoniste sélectif partiel des récepteur nicotiniques neuronaux ⍺4B2 de l'acétylcholine. Elle cible les mêmes récepteurs que la nicotine et neutralise la sensation de plaisir. Ce médicament de substitution empêche la liaison de la nicotine au récepteur, ce qui réduit les effets de récompense et de renforcement du tabagisme.
La varénicline (Champix®), délivrée uniquement sur ordonnance, augmente les chances succès en raison de son mode d'action original, qui diminue les signes de manque et les effets de récompense liés à la cigarette. Le traitement est prescrit à doses progressives semaine 1 et poursuivi pendant 12 semaines. Pour les femmes à haut risque de rechute, une cure supplémentaire de 12 semaines avec arrêt progressif est envisageable.
Il faut informer les patientes du risque de survenue des effets indésirables relativement fréquents (troubles du sommeil, céphalées, nausées, troubles du transit). En cas de survenue, il convient de réduire la posologie à 1 mg par jour. La varénicline doit être utilisée avec prudence en cas de troubles dépressifs ou comportementaux.


Bupropion:

Le bupropion LP a aussi une efficacité démontrée dans le sevrage tabagique. La durée du traitement est de 7 à 9 semaines. Il faut respecter les nombreuses contre-indications, et notamment les antécédents de convulsions, de troubles bipolaires, de sevrage alcoolique, de traitement par inhibiteur de la monoamine oxydase (IMAO), d'anorexie ou de boulimie, d'insuffisance hépatique . Les effets secondaires les plus fréquents sont : sécheresse de la bouche, constipation, sueurs. Médicament de la famille des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, le bupropion (Zyban® LP) facilite le sevrage en maintenant le taux de dopamine synaptique, en évitant ou limitant le syndrome de manque. Son activité supplémentaire par rapport au traitement nicotinique substitutif et indépendante de son pouvoir antidépresseur lui fait trouver une place privilégiée chez les femmes présentant des signes ou des antécédents dépressifs et motivées pour l'arrêt de la cigarette. La posologie est de 1 comprimé à 150 mg par jour pendant 1 semaine, puis de 2 comprimés pendant 6 à 8 semaines. On demande à la patiente d'arrêter de fumer pendant la deuxième semaine du traitement. En pratique, certaines patientes arrêtent leur tabagisme dès l'initiation du bupropion et ne ressentent pas toujours le besoin de prendre deux comprimés pour un sevrage confortable. Il est alors possible de poursuivre alors le traitement 6 à 8 semaines avec un seul comprimé. Le moment le plus délicat est celui de l'arrêt. C'est pourquoi l'association avec le traitement nicotinique substitutif est parfois souhaitable. Même si, comme les substituts nicotiniques, le bupropion double les chances de succès à 1 an, il convient de respecter scrupuleusement les contre-indications et les précautions d'emploi et d'en connaître les effets indésirables.


Conseils pratiques, adolescentes et tabac:

Les conseils sont à moduler en fonction de chaque patiente. L'arrêt du tabac est à inscrire dans une démarche globale de mieux-être psychocorporel, de renforcement de l'estime de soi en évoquant aussi l'aspect financier, souvent efficace pour aider la défume chez les jeunes. L'activité physique régulière est le meilleur moyen de procurer la sensation de bien-être en stimulant le système dopaminergique, de prévenir l'excès (ou la prise) de poids en réduisant la masse graisseuse. L'exercice physique (marche quotidienne ou 30 minutes de musculation) deux à trois fois par semaine est le meilleur garant du maintien de la masse musculaire. Il est à encourager le plus tôt possible dès l'adolescence, en même temps qu'une bonne hygiène alimentaire.
La prise de poids est l'un des facteurs d'explication de la poursuite de la cigarette ou de la rechute. C'est pourquoi il faut toujours y apporter une grande attention, d'autant que l'IMC excessif ou insuffisant constitue en soi un facteur de risque vasculaire et métabolique ou osseux. À l'arrêt du tabac, la prise de poids correspond le plus souvent à des erreurs alimentaires, accentuées par l'insuffisance d'activité physique. La cigarette qui fait maigrir a été, dès 1929, le premier argument marketing ciblé sur les femmes (« Prenez une Lucky au lieu d'une sucrerie »).


Dépression, coaddictions, alcool, cannabis:

La dépression est une affection très fréquente chez la femme, avec une prévalence vie entière de 20 %. L'anxiété généralisée ou les troubles anxieux touchent plus de 5 % des femmes. Parmi les signes de la dépression, au-delà des signes classiques (désintérêt, ralentissement cognitif, céphalées, tristesse, troubles de l'humeur, du sommeil et de l'appétit), il faut relever les douleurs précordiales, pelviennes, épigastriques. L'existence et l'importance d'un syndrome dépressif peuvent être évaluées par HAD .


Conclusion:

Les recherches devraient favoriser les domaines susceptibles de faire progresser la prévention des risques vasculaire, métabolique, osseux ou oncogène, notamment les stratégies de santé publique pour mieux prévenir les facteurs liés aux comportements individuels à risque. La consultation gynécologique représente, pour les millions de femmes fumeuses, une chance de pouvoir être médicalement accompagnées dans leur décision d'arrêter la cigarette.
Dans l'association pilule ou THS et tabac, c'est le tabac qui constitue l'élément déterminant de l'augmentation du risque vasculaire (infarctus, accident), ce qui relativise la responsabilité de l'apport estroprogestatif médicamenteux. À condition de mesurer le CO expiré, le médecin consulté pour la demande de contraception ou de THS est le meilleur instigateur potentiel de la décision de sevrage tabagique.
En pratique, il convient de hiérarchiser les prises en charge : d'abord entretien motivationnel avec mesure du CO expiré, puis prescription de substituts nicotiniques accompagnés de varénicline ou bupropion. La démarche médicale vise à engager la femme dans un projet de vie personnel valorisant. Cette démarche, en suscitant la dissonance cognitive chez les fumeuses, favorise l'implication pour une meilleure qualité de vie et une prescription médicale mieux assumée. Il faut rappeler aux fumeuses que l'arrêt du tabac est le moyen le plus sûr pour diminuer rapidement et de façon importante leur risque cardiovasculaire et que l'exercice physique est la règle d'hygiène de vie la plus efficace pour prévenir ou limiter les autres facteurs de risque.
Une meilleure compréhension des liens entre les facteurs hormonaux, psychosociaux du tabagisme chez les femmes et des stratégies de prise en charge représente sans doute un immense espoir, autant pour les spécialistes que pour les millions de femmes fumeuses. Au-delà de cet espoir, c'est l'exemplarité et la formation des professionnels, et en particulier des gynécologues, à qui les femmes confient leur santé, qui est la plus déterminante pour déclencher ou renforcer la motivation d'arrêter de fumer. Beaucoup plus de femmes auront ainsi plus de possibilités pour mieux préserver leur santé dès lors qu'elles trouveront en consultation la disponibilité et la compétence souhaitables pour prévenir et prendre en charge aussi bien leurs problèmes gynécologiques que leur intoxication tabagique.
Sur le plan médical, la mesure du CO expiré permet, en objectivant le risque tabagique selon le taux en ppm, d'une part, de responsabiliser la patiente par rapport à son comportement et, d'autre part, de créer la dissonance cognitive avec effet motivationnel pour le sevrage. Sur le plan médicojudiciaire, le prescripteur se protège en notant sur l'ordonnance le résultat en ppm de la mesure du CO, preuve de l'information concernant le risque tabac et en prescrivant un TNS ou la varénicline permettant de l'éviter. Tout soignant doit être formé, car l'efficience revient aux praticiens consultés par les femmes, reconnus par elles comme leurs interlocuteurs privilégiés et comme les intervenants les plus compétents pour les aider.
En cas d'antécédents familiaux thromboemboliques veineux ou d'anomalie de l'hémostase, il convient de prendre un avis spécialisé après bilan (taux de prothrombine [TP], taux de céphaline activée (TCA), dosage de l'antithrombine, protéines C et S et test de résistance à la protéine C activée). Les EPS sont formellement contre-indiqués, quel que soit leur mode d'administration (oral, patch, ou anneau), a fortiori chez les fumeuses.

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